Au sein de l’institution militaire, une étude consacrée à « l’avenir de la supériorité aérienne » fait grincer des dents. Contactés par le JDD pour évoquer leur enquête, les deux auteurs nous ont simplement redirigé vers l’armée de l’Air et de l’Espace, sans donner plus d’explications. Pourtant, leur travail mérite d’être mis en lumière, à une époque où les airs jouent un rôle décisif dans la guerre en Ukraine et alors que la Chine monte en puissance.
Dans un document de plus de 100 pages, ils abordent les différents leviers permettant d’asseoir une supériorité dans le ciel. Trois points se dégagent : la capacité à détruire les aéronefs ennemis depuis le sol grâce à des frappes longue portée, l’anéantissement des systèmes sol-air adverses et la conduite de combats aériens. C’est précisément sur ce dernier aspect que les limites françaises se manifestent. « Le modèle de force français est construit autour de la dissuasion et de la défense aérienne du territoire métropolitain. Il atteint ses limites pour peser efficacement en coalition dans un conflit de haute intensité », indique l’étude, tandis que les auteurs étayent leurs conclusions avec trois arguments concrets.
D’abord, bien que la France dispose de près de 240 avions de combat répartis entre l’armée de l’Air et la Marine nationale, ce chiffre s’avère insuffisant en cas de guerre. « Nos aéronefs seraient gardés pour la dissuasion nucléaire et la défense aérienne du territoire, mais nous avons assez peu d’avions à déployer en coalition », explique un expert au JDD, alors que l’étude évoque une quarantaine d’appareils prêts à opérer au-delà des frontières. L’analyse publiée par l’Ifri souligne également que l’aviation de chasse française est « à son plus bas volume historique depuis 1916 » et qu’elle manque de munitions dites « complexes ».
Elle précise : « Les consommations de missiles air-air observées lors d’exercices de grande ampleur ou de simulations représentent, rapportées aux stocks effectifs en 2024, trois jours de combat de haute intensité, voire une journée pour le cas particulier du Meteor. » Cette problématique risque de s’aggraver avec « le temps au vu des contraintes de vieillissement sur la durée de vie des missiles », ajoutent les auteurs. « Le nombre de munitions simples est plutôt correct. En revanche, sur les munitions complexes, de type Scalp, c’est très inquiétant », analyse un spécialiste.
Le Rafale supérieur au chasseur russe
Enfin, l’ouvrage pointe les limites techniques des aéronefs eux-mêmes. « Les armées françaises souffrent de plusieurs impasses qualitatives, qui sont la conséquence de capacités jamais mises en service, comme la furtivité radar », décrivent les auteurs. Bien que « la furtivité radar ne soit certes pas suffisante pour obtenir la supériorité aérienne », elle reste un « atout indéniable, en particulier dans les scénarios les plus durs, à moins d’accepter des missions de pénétration en basse altitude, avec un niveau de risque élevé », soulignent-ils. Dans ces conditions, préviennent-ils, l’aviation de chasse française « pourrait être cantonnée au rôle de “supplétif” » dans une « coalition aérienne à deux vitesses, dans laquelle les chasseurs de 4e génération auront toute leur place », aux côtés des avions furtifs dont l’armement est intégré en soute.
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Cependant, face à la perspective d’un duel avec la Russie, dont les capacités en combat aérien sont limitées, cette question de la furtivité est à relativiser. « L’avion français Rafale est supérieur au SU-35 russe. Cela ne fait aucun doute », affirme notre expert. Il conclut : « En termes d’armements et de capteurs à bord, nous sommes parmi les meilleurs. Les Russes le savent très bien. »
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