![Le journaliste Guillaume Perrault.](https://www.lejdd.fr/lmnr/rcrop/375,250,FFFFFF,forcey,center-middle/img/var/jdd/public/styles/paysage/public/media/image/2025/02/10/13/guillaume-perrault-c-francois-bouchon-le-figaro.jpg?VersionId=yn0XC8.VU7aPbVqBAzDMlmN5cm8_aY8h)
En 1941, Marc Bloch décrivait « la manie du jugement » comme « le satanique ennemi de la véritable histoire ». Huit décennies plus tard, alors que se confondent histoire et devoir de mémoire, cette tentation est plus forte que jamais. Avec le souci de « payer sa dette envers ceux qui nous ont précédés », le journaliste Guillaume Perrault donne la parole aux voix étouffées et oubliées. Dans Voyages dans l’histoire de France, publié aux éditions Perrin, il retrace, au travers d’une quinzaine de récits, une fresque de notre histoire commune. D’une plume scrupuleuse, limpide et élégante, il s’attaque à la question des guerres de Vendée, aux accords de Munich, ou encore, et non sans humour, à celle de la salubrité publique à Paris ou de l’héritier (légitime) du trône de France.
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Le rédacteur en chef au Figaro, chargé de l’histoire, interroge dans une préface remarquable le rôle de cette discipline dans sa trajectoire personnelle comme dans la destinée collective. Le Parisien a la chance de naître dans une famille de lecteurs. C’est dans la bibliothèque de ses grands-parents qu’il découvre des témoignages sur la campagne de mai-juin 1940, à laquelle avait participé son grand-père. Ses grands-parents partagent avec lui leurs souvenirs de guerre. Conformément à sa vocation future, le jeune homme enregistre leur témoignage au magnétophone dans le but de le « conserver » et de « le transmettre aux générations futures ».
À l’heure où le déclin de la connaissance historique n’est plus contesté, c’est aussi à l’instruction de ses maîtres que Guillaume Perrault rend hommage. Il se souvient de la façon dont l’histoire lui a été transmise, au début des années 1980, à l’école communale de la rue Titon, dans le 11e arrondissement de Paris, loin des modes qui ont, depuis, affecté l’Éducation nationale. Désormais, « ne rien porter au crédit de la France est devenu un réflexe, déplore-t-il. Admirer est devenu suspect. Le ricanement règne. L’arrogance rétrospective et l’anachronisme moralisateur se donnent libre cours. L’obsession du regard critique, la peur de paraître naïf, la hantise d’être accusé d’idéaliser le passé conduisent à taire ou à n’évoquer qu’avec d’infinies réticences tout ce qui peut sembler digne d’être aimé, voire glorieux, dans l’histoire nationale ».
Guillaume Perrault cherche à comprendre et à donner à aimer
Le passionné pose ainsi une question fondamentale au maintien de toute société : comment transmettre notre mémoire collective ? « Peindre des personnages est la meilleure façon de faire partager l’amour du passé. Les hommes et les femmes qui ont vécu voilà des siècles nous ressemblent pour une part. Le montrer – sans céder à l’anachronisme qui consisterait à leur prêter tous nos sentiments – guérit de l’indifférence envers ces ancêtres, nous intéresse à leur sort », plaide-t-il. Guillaume Perrault n’est pas de ceux qui condamnent ni qui jugent. En digne héritier, il cherche à comprendre et à donner à aimer.
Voyages dans l’histoire de France, Guillaume Perrault, Perrin, 35 pages, 10 euros.
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