Les dirigeants du socle commun ne l’ont pas vu venir. Ce mardi 28 janvier, ils sont réunis autour du Premier ministre, à Matignon, pour le petit-déjeuner de la majorité. La conversation porte sur le budget et les concessions accordées aux socialistes pour éviter la censure. Rien que de très classique jusqu’à cette question entre le café et les croissants : « Et la réforme du scrutin municipal à Paris, Lyon et Marseille ? » Un ange passe, personne ne s’attendait à ce que le sujet qui s’était perdu dans les limbes de l’Assemblée ressurgisse en plein débat budgétaire. L’incise est d’autant plus surprenante que le Premier ministre n’a jamais montré un intérêt débordant pour le sujet.
Tout juste l’a-t-il effleuré lors du congrès du MoDem à Blois en mars 2024. Il évoque pourtant avec gravité le sujet ce mardi 28 janvier : « Il y a tout de même une anomalie démocratique. Dans la capitale on peut être majoritaire en voix et minoritaire en sièges au Conseil de Paris. » Tout le monde comprend que c’est la main de l’Élysée qui plane sur Matignon, le sujet fait partie des obsessions d’Emmanuel Macron. Le président vit comme une injustice démocratique le fait d’engranger de bons scores à Paris lors des scrutins nationaux, et de se faire étriller aux municipales.
Mardi dernier, rebelote à l’heure du petit-déjeuner des chefs à plume. François Bayrou confirme son intention de faire passer le texte rapidement, alors que les municipales auront lieu dans un peu plus d’un an. « Je vais consulter les maires de Marseille et Lyon », tranche Bayrou qui signale au passage que le dossier sera suivi à Matignon. Cette fois, c’est (peut-être) la bonne. Lors des prochaines municipales, les électeurs des trois plus grandes villes de France auront possiblement deux urnes face à eux : une pour élire son maire d’arrondissement ou de secteur, l’autre pour élire le maire de la ville. Une petite révolution. Depuis 1982, Paris, Lyon et Marseille bénéficient d’un statut électoral dérogatoire. À la différence des autres villes de France où l’on vote directement pour son maire, les habitants élisent des conseillers municipaux d’arrondissement ou de secteur dont le collège vote ensuite pour désigner le maire de la ville. Un système régulièrement critiqué, un maire pouvant ainsi être élu avec moins de suffrages que son adversaire, mais avec une majorité de conseillers d’arrondissement.
Le socialiste Gaston Defferre, à Marseille, avait ainsi été élu maire en 1983 contre Jean-Claude Gaudin qui rassemblait pourtant davantage d’électeurs. Une « anomalie démocratique », jugent les partisans d’une révision de la loi PLM qui défendent le principe « un homme, une voix ». Qu’ils soient ou non favorables à cette réforme de la loi PLM, nombre d’élus s’interrogent sur l’empressement de l’exécutif dans ce dossier : « N’y a-t-il rien de plus urgent ? », s’agace Renaud Muselier, le président de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, fermement opposé à cette réforme qui « ne tient pas compte des particularités de ces trois plus grandes villes de France ».
Des trois édiles concernés, seul celui de Marseille approuve l’alignement du mode de scrutin sur le droit commun
Des trois édiles concernés, seul celui de Marseille approuve l’alignement du mode de scrutin sur le droit commun. À l’hôtel de ville de Lyon, c’est plus mitigé. Autant on salue l’effort de concertation de la part de l’exécutif, autant on s’interroge sur les véritables intentions de ses initiateurs. S’il s’agit de rapprocher l’échelon local du pouvoir central, « ce texte n’est pas le bon véhicule », explique-t-on dans l’entourage du maire écologiste Grégory Doucet. Le projet n’est évidemment pas dénué d’arrière-pensées électorales.
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Rachida Dati aurait fortement plaidé auprès du président, persuadée que la nouvelle donne électorale la rapprochera de la victoire. « Elle a si peu confiance dans ses forces pour 2026 qu’elle veut mettre toutes les chances de son côté », croit savoir un maire LR d’arrondissement, pas franchement convaincu que le changement de mode de scrutin lui sera favorable. Emmanuel Macron validant au passage l’idée d’une union entre ses candidats et ceux des Républicains. Un scénario balayé par le patron de Renaissance à Paris, Sylvain Maillard : « Plusieurs études ont montré que les résultats du scrutin de 2020 auraient été sensiblement les mêmes avec la réforme. Notre but est de renforcer la démocratie locale, pas de changer la couleur politique de la mairie centrale. » Chacun se fera sa religion.
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