Objectif atteint pour François Bayrou. Le Premier ministre a réussi là où son prédécesseur a échoué : faire passer le budget sans se faire censurer par l’Assemblée nationale. Ce mercredi 5 février, le budget de l’État a définitivement été adopté. Même chose pour la première partie du budget de la Sécurité sociale. Le chef du gouvernement s’est même permis d’actionner un nouveau 49.3 sur la deuxième partie du texte hier soir, tout en sachant qu’il ne sera pas renversé, malgré la troisième motion de censure déposée par LFI, examinée lundi prochain. Les socialistes ne la voteront pas, au grand dam des Insoumis qui les accusent d’avoir « interrompu le NFP ».
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Le dernier jour du reste de la vie de François Bayrou à Matignon commence donc aujourd’hui. Et ce jeudi 6 février, tous les yeux sont déjà rivés sur le Palais-Bourbon. Les députés débattent, à l’occasion de la journée d’initiative parlementaire du groupe LR, d’une proposition de loi visant à restreindre le droit du sol à Mayotte. Le texte souhaite aller plus loin que la réforme votée en 2018, en conditionnant l’accès à la nationalité française d’un enfant à la durée de résidence de ses deux parents pendant au moins un an sur le sol français, contre trois mois seulement pour l’un des parents avant.
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François Bayrou a franchi une belle haie, mais c’est un coureur de fond
Philippe Vigier, ancien ministre
Mais ensuite, quel plan pour François Bayrou à l’Assemblée nationale ? « Il faut envisager une suite qui a du sens », avance le député MoDem Nicolas Turquois. « Pour résoudre à la fois le sentiment d’impuissance de l’État que les Français déplorent et les enjeux budgétaires », poursuit l’agriculteur de la Vienne. Le Premier ministre a d’ores et déjà demandé à ses ministres une analyse en profondeur de chacune de leur mission. Objectif : évaluer et modifier ce qui ne va pas en prenant exemple sur ce qui fonctionne sur le terrain.
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Toutefois, Nicolas Turquois prévient : « Il faut rester extrêmement vigilant. Un excès de confiance maintenant serait le pire des dangers ». Si le Premier ministre est « soulagé » de cette première étape budgétaire, il reste toutefois prudent. « François Bayrou a franchi une belle haie, mais c’est un coureur de fond », illustre le député MoDem et ancien ministre des Outre-Mer Philippe Vigier. « À partir d’aujourd’hui, les textes examinés à l’Assemblée tiendront compte de la réalité politique. La manière de travailler sera beaucoup plus transpartisane », assure-t-il.
Le texte sur le narcotrafic arrive à l’Assemblée
Plusieurs de ces textes sont dans les starting-blocks. À l’image de la proposition de loi sur le narcotrafic, adoptée à l’unanimité au Sénat ce mardi 4 février. Conduite par les sénateurs Jérôme Durain (PS) et Étienne Blanc (LR), elle propose la création d’un parquet national anticriminalité organisée (Pnaco), des mesures anti-blanchiment, une procédure pénale simplifiée, de nouveaux outils pour les enquêteurs et le renforcement de l’Office antistupéfiants (Ofast). « Il y aura un avant et un après ce texte fondateur », a salué Bruno Retailleau en début de semaine. La proposition de loi a été transmise à l’Assemblée nationale et doit être examinée au mois de mars.
Le projet de loi d’urgence pour la reconstruction de Mayotte devrait également faire consensus. Déjà adopté à l’Assemblée nationale puis au Sénat, il doit faire l’objet d’une commission mixte paritaire de sept députés et sept sénateurs ce lundi 10 février. Ce texte, qui lève certaines barrières administratives pour faciliter la remise en état de l’archipel après le cyclone Childo, doit ensuite repasser par les deux chambres du Parlement pour entrer définitivement en vigueur.
Proposition de loi sur la justice des mineurs
Ensuite, la proposition de loi sur la justice des mineurs est très attendue. Notamment dans un contexte où les faits divers entre adolescents ne cessent de faire la Une des journaux. Portée par Gabriel Attal lorsqu’il était Premier ministre, elle doit être examinée au Palais-Bourbon le 12 févier prochain. Elle vise à « restaurer l’autorité de la justice à l’égard des mineurs délinquants ». Concrètement, ce texte entend en finir avec l’excuse systématique de minorité et responsabiliser les parents. Mais aussi créer des comparutions immédiates pour les jeunes de plus de 16 ans en cas de faits graves et de récidive.
« Les LR s’emparent de la question migratoire en réparant un pneu crevé avec des rustines de vélo »
Un texte toutefois jugé de « marketing » par Laurent Jacobelli, porte-parole du RN et vice-président du groupe à l’Assemblée nationale. Tout comme les deux propositions de loi sur l’immigration déposées par les sénateurs LR la semaine dernière. La première vise à allonger jusqu’à 210 jours la durée de détention en centre de rétention administrative (CRA). La seconde fixe une durée minimale de résidence de deux années avant qu’un étranger en situation régulière puisse être éligible à certaines prestations sociales non contributives, comme l’aide personnalisée au logement (APL). « Tout ça est de la poudre aux yeux. Les LR essaient de s’emparer de la question migratoire en réparant un pneu crevé avec des rustines de vélo », peste le porte-parole du RN.
On se réserve le droit d’utiliser la motion de censure si un texte détériore la sécurité ou le pouvoir d’achat
Laurent Jacobelli, porte-parole du RN
Plus généralement, le Rassemblement national ne croit pas le gouvernement Bayrou capable de prendre des décisions structurelles. « On est au crépuscule de la macronie et ça va encore se déliter », lance Laurent Jacobelli. Si le RN demande toujours une dissolution à Emmanuel Macron cet été, il est prêt à voter toute loi qui « avance d’un centimètre dans la bonne direction ». En revanche, « on se réserve le droit d’utiliser la motion de censure si un texte détériore la sécurité ou le pouvoir d’achat », prévient le député de la Moselle.
Autre texte que le RN devrait voter sans grabuge : le projet de loi d’orientation agricole. S’il a déjà été adopté à l’Assemblée nationale en mai dernier, il devrait revenir après une prochaine commission mixte paritaire. Actuellement examiné au Sénat, il élève notamment la souveraineté alimentaire « au rang d’intérêt fondamental de la nation ». En outre, il vise aussi à créer des conditions d’installations viables dans le temps pour les agriculteurs et passer de réflexes de suradministration et de sanction à une dynamique d’information et d’incitation.
La PLM remise en chantier
Ce lundi 3 février, François Bayrou a également remis sur la table la réforme de la loi Paris-Lyon-Marseille (PLM). Aujourd’hui, les Parisiens, les Lyonnais et les Marseillais ne votent pas directement pour leur maire, mais par secteur ou arrondissement. Ce système peut conduire à ce que le maire d’une ville soit élu avec moins de voix, sur l’ensemble de la ville, que son adversaire. Selon l’AFP, une des pistes envisagées est l’inscription d’une proposition de loi, voire d’un projet de loi, lors de la semaine gouvernementale au Palais-Bourbon le 17 mars prochain. Elle proposerait d’élire les membres du conseil des trois métropoles au suffrage universel direct, comme c’est le cas pour les autres grandes villes.
Un autre chantier à venir pour le gouvernement : la fin de vie. François Bayrou a décidé de séparer le sujet en deux textes, l’un sur les soins palliatifs, l’autre sur l’aide active à mourir. L’objectif est de faire vite. « Avant la fin de la session parlementaire, les deux textes seront à l’ordre. Ce sera probablement avant le mois de juin », confie une ministre à Public Sénat. Avant d’ajouter : « On veut discuter les deux textes sur la fin de vie en même temps et avoir deux côtes. Le Premier ministre ne veut pas qu’on lui fasse le procès de repousser aux calendes grecques ».
Le PS met la pression sur la réforme des retraites
Mais pour le Parti socialiste, le moment de vérité aura lieu à l’issue du « conclave » sur la réforme des retraites. Un rapport de la Cour des comptes sur l’état des finances du système de retraite est attendu dans les deux prochaines semaines. Il donnera ensuite le top départ des discussions avec les partenaires sociaux et les partis politiques. « On reste ferme sur la demande d’abrogation de la réforme Borne. Nous voulons revenir à l’âge de départ de 62 ans », rappelle Pierrick Courbon, l’un des six députés PS à avoir voté la motion de censure LFI ce mercredi 5 février. « En l’absence d’accord, on prendra nos responsabilités à ce moment-là », prévient-il.
En attendant, si la parenthèse du budget 2025 se referme tout juste, le ministre de l’Économie et des Finances a d’ores et déjà commencé à plancher sur le budget 2026. Les premières conférences techniques réunissant les professionnels de Bercy et des différents ministères se dérouleront entre le 10 février et le 7 mars. Ils espèrent ainsi éviter que le même imbroglio budgétaire se répète l’année prochaine.
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