En moins de deux semaines, la BRI de Versailles – popularisée par la série B.R.I., réalisée par Jérémie Guez et diffusée sur Canal+ – vient de « lever » deux des plus gros dossiers de ces dernières années. Un savoureux mélange de concours de circonstances, de savoir-faire et une bonne dose de sueur. Le premier, en cosaisie avec la Brigade de répression du banditisme (BRB) de Paris, a charrié les enquêteurs entre un camp de manouches de Seine-et-Marne et la vallée de l’Indre, sur les traces des braqueurs à la voiture-bélier d’une boutique Louis Vuitton de la capitale. « Ils ont commencé les filoches le dimanche. Jours et nuits, sans dormir jusqu’au mercredi », rapporte une source policière.
La boutique avait été cambriolée à deux reprises en moins de deux mois d’intervalle l’automne dernier avec, à chaque fois, le même mode opératoire. À force d’écoutes téléphoniques, de surveillance et de remontées d’informations issues des « tontons », les limiers parviennent à localiser les malfaiteurs. Pendant plusieurs semaines, ils vont les surveiller à bonne distance. Les gars de la BRI planquent des dizaines d’heures pour relever les immatriculations qui entrent et sortent du campement. Situés à Versailles, ces agents sont plus rapidement sur les lieux que ceux de la BRB, qui se trouvent dans Paris intra-muros. Surtout, « Versailles avait une bonne partie de l’histoire, ils connaissaient les cibles », rapporte une source du Bastion, siège de la PJ parisienne. La fin d’année passe. Finalement, un dimanche du mois de janvier, ça bouge.
Le commando « remonte au braquo ». Direction un entrepôt de fabrication de produits Louis Vuitton à Perrusson, en Indre-et-Loire. Le juge d’instruction laisse le cambriolage se dérouler sous les yeux des policiers pour les interpeller en flagrant délit. Pendant 48 heures, les gangsters font plusieurs allers-retours entre la région parisienne et le site industriel. Le mercredi, au petit matin, le « top interpellation » est donné. Deux hommes, très défavorablement connus des services de police, sont interpellés.
Un demi-million d’euros de butin retrouvé
Repos pour tout le monde. Enfin, quelques heures seulement. Parce qu’il leur faut repartir sur les « ouvertures de portes » programmées à 6 heures du matin. Spécialistes des interpellations compliquées, les BRI sont sollicitées par les autres services de la police judiciaire pour « coffrer » les individus dangereux. Comme ceux arrêtés le 28 janvier dernier en Seine-et-Marne au cours d’une vaste opération de police antistupéfiants qui s’est déroulée à Melun.
Au total, quatorze personnes ont été arrêtées, 150 000 euros en liquide saisis, 2 kilos de cocaïne, des armes et des munitions. En 2023, la BRI de Versailles – 28 membres, hiérarchie comprise – a été sollicitée pour près d’une centaine d’opérations, d’interpellations ou de perquisitions au petit matin. C’est sans compter les enquêtes d’initiative, les « dispos » de dernière minute et les urgences liées à l’actualité criminelle.
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Dix jours après le dossier Vuitton, la brigade est rappelée un dimanche. Encore un. « En moins de trois heures, tout le monde était sur le pont et en place sur trois dispositifs distincts », rapporte-t-on. Cette fois-ci, c’est un technicien chargé de l’entretien de distributeurs automatiques de billets (DAB) qui a été enlevé sous la menace d’une ceinture explosive. Les kidnappeurs, déguisés en ouvriers, l’ont contraint à extraire les fonds de cinq DAB, entièrement vidés, pour un montant de 700 000 euros. Deux jours plus tard, les malfaiteurs sont localisés. Entretemps, la victime est relâchée. Les huit cibles, toutes connues pour des trafics de stupéfiants, sont interpellées au même moment à plusieurs endroits, et une partie du butin est retrouvée, environ 550 000 euros.
Leurs missions sont parmi les plus dangereuses, leur sélection est très rigoureuse
La BRI de Versailles n’est qu’un échantillon de la force de frappe de ces agents portés par l’adrénaline et le sens de l’engagement. Au total, dix-sept brigades maillent le territoire national, soit environ 400 policiers, sous l’autorité de l’Office central de lutte contre le crime organisé (OCLCO). Séquestrations, kidnappings, trafics de stupéfiants, d’armes, de véhicules volés, grande délinquance financière ou recherche de fugitifs… Leurs missions sont parmi les plus dangereuses, leur sélection très rigoureuse. Et les issues parfois miraculeuses. Comme mi-janvier, quand deux policiers ont été blessés lors d’une opération contre un convoi type « go-fast » qui transportait des stupéfiants. Pour semer les forces de l’ordre, la voiture porteuse s’est engagée à 200km/h sur l’autoroute A64, à contresens et dans le brouillard. Avant de percuter le véhicule des policiers de la BRI de Bayonne, retourné sur le toit.
Vers une prime BRI ?
« Quand cela le nécessite, certaines vacations peuvent aller jusqu’à 40 heures. C’est dire leur niveau d’aguerrissement », fait remarquer Vincent Hergott, secrétaire national chargé des directions spécialisées du syndicat Alliance. Pourtant, les policiers des BRI ne sont pas éligibles aux primes de haute technicité. « La reconnaissance financière doit consacrer leur engagement », poursuit Vincent Hergott.
Poussé par Alliance, le projet de création d’une prime de 600 euros pour les policiers des BRI – ainsi qu’une revalorisation de celle du RAID et de la BRI de la préfecture de police – sont sur le bureau du ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau. De quoi attirer davantage dans les rangs des BRI qui souffrent, à l’instar de la filière investigation, d’une crise des vocations ? Une urgence politique à l’heure où l’effort policier porte désormais sur la lutte contre la criminalité organisée.
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