Avec des dépenses pour les retraites atteignant 14,4 % du PIB, la France dépasse largement la moyenne européenne (11,9 %) et arbore un des systèmes les plus coûteux au monde. Ces chiffres traduisent non seulement un poids financier insoutenable, mais aussi des tensions démographiques et économiques qui fragilisent l’équilibre intergénérationnel dans notre système de retraite par répartition.
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La dernière réforme des retraites, bien qu’elle suscite un rejet populaire marqué, n’est qu’un simple ajustement paramétrique qui ne sauvera pas nos retraites. En s’inspirant des succès européens, notamment des modèles hybrides combinant répartition et capitalisation, la France pourrait non seulement préserver les acquis sociaux, mais aussi relancer une dynamique d’investissement bénéfique à son économie.
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Historiquement, le modèle par répartition s’est imposé en France dans l’immédiat après-guerre pour répondre aux défis sociaux de l’époque. Porté par une économie florissante et une démographie favorable, ce système a permis aux retraités d’améliorer progressivement leur qualité de vie. Toutefois, les mutations économiques et démographiques des dernières décennies en révèlent les limites : ralentissement de la croissance, augmentation de l’espérance de vie (passée de 10 ans de retraite en 1950 à 23 ans aujourd’hui) et baisse du ratio actifs/retraités (de 4 pour 1 en 1960 à 1,7 aujourd’hui).
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La retraite uniquement fondée sur la répartition ne permet pas de constituer un capital national productif
La retraite uniquement fondée sur la répartition ne permet pas de constituer un capital national productif. Contrairement aux pays qui ont intégré un pilier de capitalisation, le modèle français ne génère pas de richesse supplémentaire. Nos retraites pèsent sur notre économie sans y contribuer.
L’analyse des systèmes de retraite en Europe montre une tendance claire vers des modèles hybrides. Le Danemark, par exemple, combine une pension universelle financée par l’impôt avec des régimes professionnels obligatoires basés sur la capitalisation. De même, la Suède allie répartition et comptes notionnels, tout en investissant une part significative des cotisations sur les marchés financiers. Ces dispositifs hybrides permettent de diversifier les sources de financement, de réduire les risques démographiques et d’assurer une certaine équité intergénérationnelle.
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Le Royaume-Uni et les Pays-Bas illustrent également l’intérêt des fonds de capitalisation. En contribuant directement à l’économie par des investissements productifs, ces fonds participent à la croissance tout en offrant des rendements stables pour les retraités. En Allemagne, bien que le régime principal repose sur la répartition, les dispositifs complémentaires, comme les contrats « Riester », intègrent des incitations fiscales, favorisant l’épargne individuelle et collective.
Plusieurs clichés en France entourent la capitalisation, souvent perçue comme risquée ou réservée aux plus aisés. Dans une note récente pour Contribuables Associés, j’ai voulu les passer en revue. Car ces critiques traditionnelles ignorent les mécanismes modernes de gestion des risques, notamment la diversification des investissements et les garanties collectives. La diversification des actifs (actions, obligations, immobilier) et la gestion à long terme permettent d’amortir les fluctuations des marchés. Les fonds néerlandais ou canadiens, par exemple, ont démontré leur résilience en période de crise. Même les systèmes de capitalisation intègrent des mécanismes solidaires, tels que des fonds de mutualisation pour les bas revenus ou des garanties minimales. En démocratisant l’accès à l’investissement, la capitalisation peut réduire les écarts patrimoniaux, permettant à chacun de constituer une épargne pour sa retraite.
Adopter un modèle hybride apporterait des bénéfices significatifs à la fois pour les finances publiques et l’économie nationale
Adopter un modèle hybride apporterait des bénéfices significatifs à la fois pour les finances publiques et l’économie nationale. Sur le plan macroéconomique, les fonds de retraite-investissement pourraient jouer un rôle clé dans le financement de la transition énergétique et le soutien à l’innovation. Les simulations montrent que, même avec une cotisation partielle (30 % capitalisation), les rendements générés permettraient de constituer un capital significativement supérieur à celui offert par la répartition seule. Par ailleurs, réduire la dépendance au financement immédiat des pensions libérerait des marges budgétaires pour d’autres priorités nationales, tout en allégeant la pression fiscale sur les actifs.
Pour éviter les écueils d’un basculement brutal, il serait pertinent d’introduire progressivement un pilier de capitalisation collective obligatoire. Inspirée de modèles européens, cette réforme pourrait s’appuyer sur des structures semi-publiques, telles que la Caisse des Dépôts, afin de limiter le rôle des acteurs privés tout en assurant une gestion éthique et performante.
La transition vers un modèle hybride ne doit pas être perçue comme un renoncement à la solidarité intergénérationnelle, mais comme une réponse nécessaire aux défis du XXIe siècle. Ce choix, loin de rompre avec l’histoire sociale française, s’inscrit dans une logique de modernisation et d’adaptation. À l’instar des réformes engagées par nos voisins, cette démarche permettra de pérenniser notre système de retraites tout en participant à la relance économique. En engageant cette transformation, la France se doterait d’un outil puissant pour concilier équité, efficacité et souveraineté économique.
*Sébastien Laye, économiste et entrepreneur, est l’auteur de L’avenir de nos retraites et la capitalisation : au-delà des mythes et des clichés.
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