L’essentiel
- André Cermolacce, dit « Gros Dédé » ou encore « sacoche », a été abattu de trois balles dans la tête, en plein jour, ce mardi dans le 14e arrondissement de Marseille.
- Agé de 70 ans, l’ancien voyou marseillais avait fait carrière notamment dans les bars et établissements de nuit.
- Pour comprendre ce que signifie cette surprenante exécution, 20 Minutes a interviewé Marc La Mola, ancien policier de la BAC nord et de la crim’ de Marseille.
«C’était un pur produit marseillais ». André Cermolacce, dit « Gros Dédé » ou encore « sacoche », a été abattu de trois balles dans la tête, en plein jour, ce mardi dans le 14e arrondissement de Marseille, non loin du siège de son entreprise de distribution de boissons. Les débits de boissons, justement, avaient été le terrain de jeu de ce Marseillais assassiné à l’âge de 70 ans. Il avait été une figure reconnue de la voyoucratie traditionnelle marseillaise, condamné pour la huitième et dernière fois en 2016 à six mois ferme dans une affaire de machines à sous clandestine.
Pour comprendre ce que signifie cette surprenante exécution, 20 Minutes a interviewé Marc La Mola, ancien policier de la BAC nord et de la crim’ de Marseille, aujourd’hui auteur, notamment de Du colt 45 à la Kalachnikov, Histoire du grand banditisme à la néo-voyoucratie, aux éditions Fauves.
Avec l’assassinat de « Gros Dédé », la voyoucratie traditionnelle marseillaise vient-elle définitivement de tirer sa révérence ?
Il reste Jean-Luc Barresi et Michel Campanella, qui persistent un peu. Mais le milieu traditionnel s’est fait phagocyter et dévorer par les quartiers. Ce qui m’intéresse dans cette histoire, c’est comment André Cermolacce a été tué, le mode opératoire. Vraisemblablement, l’assassinat a été commis au pistolet automatique, et ça ressemble plus à un règlement de comptes venant de ce qu’il reste de ce milieu-là.
Lui connaissait-on des ennemis ?
C’était un monument de la voyoucratie marseillaise, et il était passé jusqu’à présent entre les balles, notamment avec une tentative d’assassinat en 2004. Mais on ne lui connaissait aujourd’hui pas particulièrement d’ennemis. C’est ça le problème. Je n’ai pas eu de contact avec mes collègues de la crim’ mais à mon sens, ça ne vient pas des cités.
Avec tous ce qu’on a pu écrire sur la DZ Mafia qui se lance dans les extorsions, les bars, les discothèques, les épiceries de nuit… – une activité plus traditionnelle du milieu marseillais –, c’est pourtant tentant de les voir derrière ?
Avec cette méthode-là, je ne vois pas la DZ derrière. Eux, ils sont plus kalach, la manière sale, si tant est qu’il y ait une manière propre pour ce genre de choses. Je peux me tromper, mais le mode opératoire ne me fait pas penser aux cités.
Est-ce quelqu’un avec qui il avait un contentieux et qui est sorti récemment du trou ? J’ai un ami qui le fréquentait, qui lui était assez proche, et « Gros Dédé » n’était pas du tout inquiet, Il avait sa bonhomie, son aisance dans ce qu’il reste du milieu. Une personne qui faisait référence.
François Scapula est mort en juillet dernier de sa belle mort. Il ne reste vraiment plus que Michel Campanella et Jean-Luc Barresi ?
Lorsque j’ai écrit du Colt 45 à la kalach, deux personnes m’ont confié que c’était peut-être eux qui tiraient les ficelles des go fast et approvisionnaient les cités. Je l’avais écrit en émettant beaucoup de réserves parce que je voyais mal ces Corses, ces gens-là du milieu, travailler avec les quartiers. Ce serait le mariage du crapaud et de la tortue. Même les Colombani sur Aix ont tout perdu. Ils avaient tous les établissements de nuit, ils rackettaient les bars, et ils n’ont plus rien.
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Pour revenir au milieu marseillais, il ne reste quasiment plus rien, pas grand-chose, c’est embryonnaire. « Gros Dédé », je crois que c’était la dernière grosse pointure.
« Gros Dédé » aurait-il pu se mettre aux stupéfiants ?
Non, lui, c’était les bars, les établissements de nuit. Il avait une suprématie là-dessus, c’est lui qui disait un peu qui doit prendre quel établissement et qui ne doit pas le prendre.
Il vivait tranquillement, il avait pignon sur rue comme chef d’entreprise et pour ce qu’il était dans le milieu des voyous. J’ai un ami qui a pris une brasserie assez récemment sur Marseille et c’est lui qui lui disait laquelle il devait prendre ou ne pas prendre. C’était un pur produit marseillais.