Gorbatchev a laissé derrière lui un mot d’esprit : « La France est le dernier pays communiste d’Europe. » Vu de Pologne ou de Hongrie, la situation de notre pays répond bien à cette fulgurance. Nous affichons des prélèvements dignes du Gosplan. Et nous avons un ministre de l’Économie, Éric Lombard, qui rappelle les commissaires à l’ancienne.
Le face-à-face de cet archonte qui incarne physiquement l’impôt avec Bernard Arnault a des allures archétypales. Ce sont deux univers qui s’affrontent. Celui des capitaines d’industrie qui se plaignent du matraquage fiscal, mais qui continuent à créer la valeur ajoutée. Et celui des consommateurs de valeur ajoutée qui jugent la modernité d’un État à trois critères : le nombre de fonctionnaires, le poids de la sphère publique, le niveau d’étatisation de l’économie.
C’est la corporation d’Éric Lombard qui a imaginé, il y a plusieurs décennies, le fameux « New Deal à la française ». Il reposait sur deux postulats : l’extension indéfinie de la sphère publique, de la dépense improductive, et le primat accordé à la consommation sur la production pour tirer la croissance.
Comme la nuée porte l’orage, ce modèle suinte de bureaucratisation normative. Le redressement passe par un renversement de perspective et un changement d’équipe. Emmanuel Macron, plus habile en joueur de pipeau qu’en « Mozart de la finance », a perdu son aura. Il souffre de « l’odium plebis » – la haine du peuple. Les Français voient bien que même les chiffres du chômage dérapent – c’était son ultime trophée. Et ils ressentent confusément qu’en sept ans, la France a perdu le contrôle de son destin. D’abord, de ses finances publiques – nous sommes pris dans une spirale infernale. Ensuite, de sa démographie – s’il est vrai que l’enfant est la ligne de flottaison de l’espoir d’une société, alors nous sommes passés sous la ligne de flottaison. Et de sa souveraineté – nous avons perdu le contrôle de nos frontières, de nos lois, etc.
En sept ans, Emmanuel Macron a abîmé la France. Il a abîmé l’État régalien en abattant les deux poutres maîtresses – le corps diplomatique et le corps préfectoral. Il a abîmé la nation avec son fantasme de « souveraineté européenne ». Il a abîmé la société en s’enivrant d’une sorte d’hubris sociétal. Tour à tour faustien et prométhéen, il joue avec le feu, avec la vie, la mort, la filiation. Il dynamite les liens. Il reprend le cri du serpent au jardin d’Eden : « Eritis sicut dii ! » (« Vous serez comme des dieux ! »). Je lui avais dit en 2016, à La Rotonde : « Le futur président sera jugé, non pas sur ce qu’il aura changé, mais sur ce qu’il aura sauvé. » Il n’écoute personne. Il n’a jamais habité la fonction. Il est dans la jactance et le tressautement. L’auctoritas et la potestas se nimbent de mystère. Le prince doit être laconique, il a le mot rare. « Imperatoria brevitas. » Or, voilà un homme volubile, qui souffre d’une logorrhée chronique et qui se soigne par le mot de trop.
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Tour à tour faustien et prométhéen, il joue avec le feu, avec la vie, avec la mort
On l’a dit et redit, notre jeune président était une création du « cercle de la raison ». Il a été porté par trois parrains sur les fonts baptismaux. D’abord par le patron de Davos, Klaus Schwab, qui, l’ayant promu « Young Global Leader », a déposé dans les synapses de son disciple le corpus idéologique du capitalisme global. Ensuite, par Jacques Attali et Alain Minc qui, l’ayant détecté à la poêle à frire et formé au « happy management », lui ont appris à communier sous les deux espèces du progressisme et du mondialisme.
Il m’a confié un jour, en fredonnant Brel, qu’il préférait New York à Vierzon et Davos à Honfleur. Sa nation secrète, c’est une patrie cosmique où ses voisins de jeu seraient les « Global Shapers », les façonneurs mondiaux du capitalisme de surveillance. Dans cet Élysée désert, il a le spleen et la main en visière. Il se penche vers Brigitte : « T’as voulu voir Vesoul, on verra Sainte-Hélène. »
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