Rédigé à la demande expresse de la Commission européenne, le rapport sur la lutte contre la haine musulmane dans l’Union européenne publié le 24 octobre dernier est le fruit du travail du réseau européen d’experts juridiques en matière d’égalité des genres et de non-discrimination chargé, depuis 2014, de fournir à la Commission des conseils indépendants.
Ce volumineux rapport évalue donc si le droit de l’UE et celui de ses États membres luttent efficacement contre la haine envers les musulmans et comment éventuellement les faire évoluer. Si l’objectif de renforcer l’arsenal juridique en la matière est louable, certaines analyses ou recommandations, ainsi que le financement des associations impliquées, soulèvent quelques légitimes interrogations.
Le rapport part du postulat que la discrimination envers les musulmans serait systémique : elle résulterait en effet de règles ou pratiques apparemment neutres, dont les effets en réalité discriminatoires seraient disproportionnés. Et la France y est particulièrement égratignée : la loi de 2004 interdisant le port de signes religieux ostensibles à l’école ou celle de 2010 qui prohibe la dissimulation du visage dans l’espace public sont données comme illustrations patentes de cette « discrimination systémique ». Deux lois par ailleurs fréquemment critiquées par les organisations islamistes.
Renforcer l’indépendance des juges
Pour remédier à cette « discrimination systémique », le rapport recommande d’introduire dans le droit de l’UE et de ses États membres une « obligation d’accommodement raisonnable pour motif religieux ». Une notion nord-américaine qui consiste à adapter raisonnablement une règle d’ordre générale au profit d’une pratique religieuse spécifique, tant que cela n’impose pas de contraintes excessives.
Pour l’auteur du rapport, invoquer ce principe devant les tribunaux – plutôt que celui de discrimination – permettrait d’obtenir plus facilement le droit, sur son lieu de travail, de refuser de serrer la main au sexe opposé pour raisons religieuses, de porter le voile (même en milieu médical) ou d’obtenir des pauses pour les prières quotidiennes. L’étude préconise également de renforcer l’indépendance des juges afin qu’ils résistent à « l’influence croissante du populisme politique ».
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Toujours selon l’auteur, certaines lois auraient en effet été délibérément conçues pour cibler les musulmans sous couvert de neutralité. Et adoptées sous l’influence de partis « antimusulmans » en position de force. En clair, le rapporteur suggère qu’un règlement européen permette aux juges des États membres d’écarter des lois instaurant des « discriminations systémiques » à l’encontre des musulmans.
Le juge français pourrait alors invalider la loi de 2004 sur les signes religieux ostensibles à l’école en application de ce règlement… Parmi sa quinzaine de recommandations, le rapport conseille également de renforcer l’indépendance et les pouvoirs des organisations de la société civile qui, selon son auteur, feraient l’objet de restrictions par les gouvernements européens.
Et là encore, les exemples sont précis : il critique par exemple la dissolution « controversée » du Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF) par le gouvernement français, estimant qu’« il apportait un soutien juridique aux victimes de discriminations antimusulmanes ». Pour rappel, le CCIF a été dissous par Gérald Darmanin en raison de ses liens avec l’islam radical et de sa relativisation de certains actes de terrorisme islamiste, comme ceux perpétrés par Mohammed Merah à Toulouse ou encore la décapitation de Samuel Paty. Au-delà des analyses et recommandations, les liens entre le réseau d’experts « indépendants » à l’origine du document et plusieurs organisations américaines – dont celle de George Soros qui ne cache aucune ambition politique ou idéologique dans son entreprise philanthropique – interpellent.
Une neutralité remise en question
Car derrière ce réseau, on trouve trois organismes : l’ONG Human European Consultancy, la faculté de droit de l’université d’Utrecht et l’ONG Migration Policy Group (MPG). Fondée en 1995, cette dernière se présente comme un « think & do tank » sur l’intégration, la migration et la lutte contre la discrimination, et soutient officiellement la « création de sociétés multiculturelles ».
Elle ne se vante pas moins que d’être à l’origine de « la plupart des lois et pratiques des pays européens » sur ces thèmes. Elle gère également le site internet officiel de la Commission européenne sur l’intégration des migrants, « seule source à l’échelle de l’UE qui fournit des informations actualisées et des bonnes pratiques sur l’intégration des migrants aux décideurs politiques et aux praticiens ».
Parmi ses faits d’armes : son rôle fondamental dans la création en 1998 de l’ENAR, un réseau d’associations « antiracistes » européennes que l’anthropologue Florence Bergeaud-Blackler estime lié aux Frères musulmans. Le CCIF en était membre. Le FEMYSO, qui avait défrayé la chronique en 2021 avec sa campagne financée par l’UE, « la liberté dans le hijab », en est un membre actif.
Parmi les financeurs du Migration Policy Group, on retrouve trois organisations américaines : la fondation Rockefeller Brothers, JPMorgan – la plus grande banque des États-Unis – et l’Open Society Foundations de George Soros. Cette dernière lui a d’ailleurs versé plus de 800 000 dollars depuis 2016.
Quant à l’auteur du rapport, le juriste Andras Kadar, il est co-président du Comité Helsinki Hongrie, l’une des principales ONG opposées au gouvernement de Viktor Orbán. Depuis 2016, ce comité a reçu pas moins de 2,8 millions de dollars de la fondation de George Soros.
Si les recommandations du rapport interpellent, l’origine des financements du réseau d’experts « indépendants » soulève de sérieuses interrogations sur sa neutralité et son impartialité… Or, ce rapport, s’il n’est pas contraignant, sert de base de travail à la Commission européenne pour renforcer le droit applicable en la matière.
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