Le JDD. Manuel Valls, ministre des Outre-Mer, vous aurait écrit une lettre – selon Libération – en vous accusant de jouer « un rôle d’étouffement de l’économie » en raison de « marges arrières qui contribuent à l’inflation »… Est-ce le cas ?
Stéphane Hayot. À ce jour, je n’ai pas reçu de courrier, mais je reste à la disposition du ministre pour le rencontrer et échanger. Le secteur de la grande distribution en outre-mer est très contrôlé par l’Autorité de la concurrence. Les critiques évoquent nos marges arrières mais elles sont du même ordre que celles pratiquées dans les hypermarchés de l’Hexagone. Nous sommes très compétitifs en prix, c’est pourquoi les consommateurs viennent chez nous.
Vous dénoncez même une « campagne de déstabilisation » contre votre groupe. Pourquoi ?
Nous sommes un acteur important de la vie économique, et nous sommes donc visibles. Nous sommes le groupe le plus contrôlé de tout l’outre-mer, et notre probité n’a jamais été mise en cause. Nous comprenons donc mal les attaques actuelles.
Et pourtant, la population manifeste contre la vie chère. Comment expliquer le coût de la vie insulaire ?
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Il est essentiel de ne pas se tromper de diagnostic. 80 % de ce que nous vendons est importé de l’Hexagone. Cela suppose un transport avec de nombreuses étapes d’acheminement, incontournables, qui représentent un coût de 5 000 euros par conteneur, quelle que soit la marchandise transportée. Et ce sans oublier la taxe locale de l’octroi de mer, à l’arrivée.
Un protocole a été signé en octobre dernier pour réduire de 20 % les prix de près de 6 000 produits de consommation courante. Participez-vous à son application ?
Absolument. Nos prix ont baissé de 9 % depuis le 1er janvier grâce à la suppression de l’octroi de mer par la collectivité territoriale et grâce à un effort sur les marges de la part des distributeurs. Nous avons respecté nos engagements. L’objectif des 20 % sera possible avec la suppression par l’État de la TVA sur ces produits et par la mise en place d’une continuité territoriale. La dissolution de l’Assemblée nationale a ralenti le processus, mais nous sommes confiants. Les consommateurs attendent que l’ensemble du protocole soit appliqué et que les prix baissent. Et ils ont raison.
«Nos prix ont baissé de 9 % depuis le 1er janvier»
La production locale n’est-elle pas une solution à envisager ?
Produire en outre-mer coûte plus cher que de produire dans l’Hexagone car nous sommes sur un marché très restreint de 350 000 habitants. Mais produire localement permet de créer de l’activité et donc de l’emploi. Notre groupe est le premier partenaire des producteurs locaux. Notre engagement est reconnu dans les milieux agricoles et industriels de l’île et nous en sommes très fiers !
Les émeutes contre la vie chère ont parfois été mêlées à un combat plus politique et identitaire… Quel est votre regard ?
Il y a une méconnaissance des contraintes structurelles que nos territoires subissent. Les entreprises sont devenues les boucs émissaires de cette crise : près de deux cents d’entre elles ont été touchées par les pillages et les destructions. Sur l’aspect identitaire, la Martinique est composée de différentes communautés qui font notre richesse, et je crois que nous sommes tous très attachés à notre île et préoccupés par son avenir. Il faut se serrer les coudes pour sortir plus solidaires de cette crise.
L’exode des jeunes est un sujet majeur pour l’île. Comment encourager leur retour et susciter l’entrepreneuriat ?
Un jeune sur quatre est sans formation et sans emploi : c’est une situation inacceptable. Notre groupe œuvre pour leur permettre de travailler sur notre île et nous sommes le premier employeur privé des outre-mer. Nous avons créé un programme « Tremplin pour l’emploi » pour les jeunes ultramarins éloignés de l’emploi, et effectué 2 000 recrutements en CDI, dont 75 % pourvus localement. Mais c’est avant tout un travail de confiance qui doit être fait, qui passe par la valorisation des entreprises. Alors retroussons-nous les manches pour retrouver une dynamique positive.
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