Les réactions à la colère des patrons sont lunaires. Le ministre de l’Économie se dit « surpris », la CGT dénonce un « chantage à l’emploi » quand la ministre des comptes publics « appelle à un effort collectif ». Comment peut-on appeler à « un effort collectif » quand on se rend compte que 80 % de la pression fiscale supplémentaire de 2025 va être payée soit pas les entreprises (surtaxe sur l’impôt sur les sociétés, taxe sur l’aérien…) soit par les entrepreneurs (taxe plancher de 20 % à l’impôt sur le revenu) qui constituent 80 % des « hauts revenus » de ce pays ?
Il est d’ailleurs intéressant de souligner que les ministres de Bercy répètent en boucle que les impôts « ne vont pas augmenter pour les Français ». Alors que sont les entrepreneurs de France ? Ils ne sont pas Français ? Cette sémantique est assez limite. La réalité, que le Haut conseil des finances publiques vient de souligner après que les travaux de la Fondation IFRAP l’a mis en exergue : les économies en dépenses sont quasi nulles avec 0,1 point de PIB d’ajustement quand les hausses d’impôts sont de 0,9 point de PIB. 3 milliards d’économies contre 27 milliards d’impôts !
L’effort partagé n’existe pas
Il n’y a pas d’effort structurel significatif en dépense à ce stade. Voilà pourquoi les patrons de France se révoltent plus maintenant qu’au moment de la première version de la loi de finances : le projet de loi de finances initial promettait deux tiers de baisses de dépenses et un tiers de hausses d’impôts. Et nous sommes, après les divers lâchages à la gauche (retraites, jours de carence…), quasi à 90 % de hausses d’impôts ! L’effort partagé n’existe pas. Ce sont toujours les mêmes qui paient quand les économies en face ne sont pas là. Les chiffres sont clairs : nous allons dépenser en valeur 41 milliards de plus en dépenses publiques en 2025 qu’en 2024 !
Bernard Arnault n’est pas le seul à se poser la question d’investir ailleurs, de délocaliser, voire de partir
Pour rassurer les patrons, le ministre de l’Économie explique que la surtaxe à l’impôt sur les sociétés ne sera appliquée que pour un an au lieu de deux ? Mais qui peut le croire ? La taxe sur les hauts revenus adoptée en 2012 était censée être « exceptionnelle » et « temporaire » ? Elle est toujours en place ! Bernard Arnault a raison de dire qu’il n’y a jamais de retour en arrière en la matière. Aujourd’hui, tous les capitaines des grandes entreprises sont inquiets. Le patron de Michelin mais aussi celui d’EDF ou d’Air France… Mais cette inquiétude n’est pas uniquement le fait de quelques grands dirigeants ou milliardaires comme voudraient le faire croire certains.
L’inquiétude est partagée par tous les entrepreneurs et créateurs de richesse de notre pays. Bernard Arnault n’est pas le seul à se poser la question d’investir ailleurs, de délocaliser, voire de partir. Il faut être obtus pour ne pas le comprendre. Interrogés en fin d’année 2024 pour Bpifrance, avant la censure du gouvernement Barnier, plus de la moitié des dirigeants de TPE-PME anticipaient déjà de reporter (45 %) voire annuler (21 %) leurs projets d’investissement. Idem pour les embauches. Les chefs d’entreprise de ce pays pensent tous tout bas ce que les grands patrons commencent à dire tout haut.
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Vers une destruction des emplois
Et on a envie de dire enfin ! Cela fait des mois, depuis la dissolution, que les entrepreneurs ouvrent des dossiers chez leurs avocats pour étudier la possibilité de partir, notamment fiscalement. Alors cela ne se fait pas de le dire car certains vont crier au manque de patriotisme mais à un moment il faut mettre la vérité sur la table : dans la situation actuelle de nos finances publiques, sans plan de redressement structurel pour faire baisser le tendanciel de hausse de la dépense publique, les impôts des entrepreneurs et des entreprises ne peuvent que croître. Et ce, alors que nos entreprises paient déjà 157 milliards de prélèvements obligatoires en plus tous les ans par rapport à leurs homologues de la zone euro et que les détenteurs de capital paient 67 milliards d’euros d’impôts de plus par an que la moyenne de la zone euro…
Ce qui se passe est très grave car cela relève du déni réalité. Monter les impôts quand nous avons un problème de dépenses ! Le manque de recettes vient ensuite car on asphyxie les créateurs de valeur ajoutée pour financer l’excès de dépenses. Plus on va continuer sur ce chemin, plus on va détruire des emplois et l’avenir de nos enfants. On dit pudiquement que c’est à cause de l’instabilité politique que le chômage remonte ? Mais c’est surtout à cause de la cascade de taxes à venir sur l’économie productive si nous ne réalisons pas un virage à 180 degrés.
Sans plan de redressement, les impôts des entreprises ne peuvent que croître
Dire qu’il « vaut mieux un mauvais budget que pas de budget du tout » est un piège pour notre économie. Ce n’est pas en matraquant fiscalement les entreprises et les entrepreneurs que l’on va les rassurer ! Nous sommes déjà au cœur d’une grève des embauches et des investissements qui ne dit pas son nom. L’obsession fiscale de nos politiques nous emmène droit dans le mur. Pendant que l’hémicycle débat de sémantique, c’est la submersion de notre économie par la fiscalité qui continue. La montée du chômage n’en est que le premier symptôme concret.
Cela est très regrettable car il suffirait de dire très clairement qu’à partir de maintenant, on ne fait plus que des baisses de dépenses publiques et plus aucune hausse d’impôts et même des baisses d’impôts et des suppressions de normes pour inciter à rester en France, à venir en France et à se développer en France. La machine économique repartirait immédiatement ! Faut-il que les patrons de toute la France descendent dans la rue, comme en Allemagne, pour être entendus ?
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