Voilà des années déjà que Mohammad Reza Pahlavi, le shah d’Iran, a perdu le contrôle de la société iranienne. La frange la plus pauvre de la population est aussi la plus religieuse et la plus opposée à l’impérialisme américain. Face au chaos qui ne cesse de grandir, face aux manifestations qui comptent des millions de personnes, face au refus des jeunes officiers de tirer sur la foule, le Shah vit retranché dans son palais de Niavaran et il nomme Chapour Bakhtiar au poste de Premier ministre.
Puis, sur les recommandations de ce dernier, il se résigne à fuir le pays, destination l’Égypte, où le président Sadate l’attend. L’errance de la famille royale commence qui la conduira au Maroc, aux Bahamas, à Panama, au Mexique, et enfin aux États- Unis. Pour calmer la situation, Chapour Bakhtiar ordonne la libération des prisonniers politiques en laissant la porte ouverte à des négociations avec l’opposition religieuse. C’est juste une illusion.
Sa pensée se systématise autour d’une conviction profonde : la dictature du Shah n’est pas l’autorité adéquate pour l’Iran
Depuis plus de quatorze années que dure son exil en Irak puis en France, l’ayatollah Khomeini a radicalisé son discours, et sa pensée se systématise autour d’une conviction profonde : la dictature du Shah n’est pas l’autorité adéquate pour l’Iran, et il penche vers « une démocratie spéciale », selon lui « une démocratie religieuse ».
Il prépare « sa » révolution depuis Neauphle-le-Château, où, arrivé le 6 octobre 1978, il propage ses idées par le biais de conférences tenues à son domicile mais aussi sous la forme de cassettes audio diffusées et dupliquées largement dès leur arrivée en Iran.
Un instant historique
1er février 1979, c’est l’instant historique. L’ayatollah Khomeini, dont l’avion a quitté Paris six heures plus tôt, pose le pied sur le sol iranien, à un moment où la révolution entre dans sa forme victorieuse. L’accueil est triomphal, et le mot est faible.
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Victor Franco est l’envoyé spécial du JDD à Téhéran. Il écrit : « Khomeini n’est pas seulement un leader politique, c’est un chef charismatique. Pour le peuple, il représente tout. » Bakhtiar et Khomeini ont entrepris une guerre d’usure. Bakhtiar se persuade que le mythe de l’ayatollah va s’estomper petit à petit, va se dégonfler. Illusion encore.
Une situation dramatique
En attendant, la situation du pays est dramatique. La production de pétrole est tombée de 6 millions de barils par jour à 75 000. Les grèves ont mis l’économie complètement à plat. Plus un sou en caisse et on ne peut plus payer les importations de vivres. Franco, encore : « Je garderai toujours, je crois, en mémoire l’image de l’hélicoptère tournant doucement au-dessus du cimetière de Behesht-e Zahra. D’en bas, des millions de bras se tendaient vers lui et des millions de voix scandaient ‘‘Allah Akbar’’. Je ne sais si Khomeini pouvait entendre les clameurs, mais c’était à la fois fantastique et terrifiant. »
« C’était à la fois fantastique et terrifiant »
Franco, au sortir de la conférence de presse, se trouvera pris dans cette foule, bousculé, renversé, piétiné. « Je n’ai dû mon salut, dit-il, qu’à l’intervention de deux membres de la police islamique. »
Le Guide de la révolution gouvernerait jusqu’à sa mort, en 1989.
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