Le pape François vient de publier une autobiographie intitulée Espère. Au seuil du jubilé de 2025, ce titre vient alimenter l’appel de l’évêque de Rome à vivre en « pèlerins d’espérance » et apporter un contre-point plus intime à l’exhortation inaugurale du jubilé : l’espérance ne déçoit pas. Les prédécesseurs du pape actuel eux aussi ont souhaité partager avec tous des souvenirs et des réflexions personnels, parfois en dialogue avec un coauteur. Pensons à Ma vocation, don et mystère de Jean-Paul II ou à son dialogue avec le célèbre converti et journaliste français André Frossard dans N’ayez pas peur. Quant à Benoît XVI, il avait publié Ma vie : souvenirs, deux ans avant son accession au Siège de Pierre, puis deux volumes d’entretiens avec Peter Seewald, Le Sel de la Terre et Lumière du monde.
Dans les dernières pages d’Espère, son coauteur, Carlo Musso, précise : « Par la volonté de Sa Sainteté le pape François, son autobiographie aurait dû tout d’abord être publiée comme un testament à sa mort. Mais le Jubilé de l’espérance et les exigences du temps l’ont convaincu de diffuser dès maintenant ce précieux héritage. » Le pape de 88 ans a perçu que si l’heure du testament n’était providentiellement pas encore venue, celle de renouveler l’espérance de ses contemporains continuait à sonner avec urgence. On ne trouve aucune nostalgie facile chez François mais plutôt une évocation de son histoire en vue de nourrir la capacité des fidèles et de tous à s’investir avec espérance et courage dans l’avenir qui s’offre à eux.
Le volume s’ouvre par le récit du naufrage du Principessa Mafalda en 1927, à quelques encâblures de la côte brésilienne. Ce prestigieux transatlantique de la flotte italienne, qui avait transporté Toscanini et Pirandello, mal entretenu et chargé de passagers clandestins, fut le Titanic italien. Pourquoi cet incipit ? Le pape François s’en explique : « Mes grands-parents et leur fils unique, Mario, le jeune homme qui allait devenir mon père, avaient acheté des billets pour cette longue traversée. À contrecœur, les Bergoglio durent retarder leur départ pour l’Argentine. C’est pour cela que je suis ici aujourd’hui. » Cette histoire, qui s’est inscrite au fond du cœur du jeune Bergoglio, lui a donné le sentiment de la fragilité et du prix de sa vie. Par ailleurs, l’épreuve de la migration – ses grands-parents embarquèrent finalement pour l’Argentine pendant la grande crise de 1929 – et de tous les naufrages qui l’accompagnent apparaît comme faisant partie charnellement de l’expérience humaine et spirituelle du pape François.
Le témoignage touchant de son attachement, depuis l’enfance, à la Vierge Marie
On retrouve le pape argentin « tel qu’en lui-même l’éternité le fit » : spontané, cordial, acéré parfois, avec ses coups de cœur et ses coups de gueule. Il prend le risque assumé d’enchanter les uns et d’agacer les autres, mais il le fait avec humilité : « Si quelque chose me préoccupe aujourd’hui encore, c’est la crainte d’être infidèle, parce que je sens combien le Seigneur m’a donné de possibilités de faire le bien, et je crains de ne pas toujours réussir à le faire. » On découvre aussi un Bergoglio moins connu, avec par exemple ses enthousiasmes littéraires comme Manzoni ou Pessoa. Le pape nous livre le texte émouvant de la profession de foi qu’il a écrite juste avant son ordination – « Je crois en la patience de Dieu, accueillante, bonne comme une nuit d’été… » – et de son exposé sur l’Église durant le pré-conclave de 2013 – « Le prochain pape : un homme qui, à travers la contemplation de Jésus-Christ et l’adoration de Jésus-Christ, aide l’Église à être la mère féconde vivant “dans la douce et réconfortante joie d’évangéliser’’. »
Beaucoup seront touchés par le témoignage que donne le pape François de son attachement, depuis l’enfance, à la Vierge Marie : « Bien des fois, dans l’église du quartier de l’Amalgro, je me suis arrêté pour prier devant l’icône de Marie Auxiliatrice, bénie par don Bosco en personne puis transférée à Buenos Aires depuis Turin. » L’actuel Successeur de Pierre évoque sa dernière rencontre avec son prédécesseur : « Je lui ai dit des paroles d’affection, je l’ai béni, ses yeux très clairs brillaient toujours de la même douceur et de la même intelligence. » Mais tous ces souvenirs sont orientés vers un avenir d’espérance pour l’Église et pour le monde « car, comme l’affirme le titre de l’avant-dernier chapitre, les jours meilleurs doivent encore advenir ».
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Espère, Pape François, Albin Michel, 400 pages, 22,90 euros.
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