Selon le recensement de juin 2024 de l’Union sociale pour l’habitat, qui fédère les organismes HLM, 2,7 millions de ménages sont en attente de logement social. C’est une hausse de 100 000 demandeurs en six mois. Les files d’attente pour obtenir un logement social ne cessent de s’allonger. Des familles en détresse, des enfants qui vivent dans des foyers, des Français pour qui un logement social bouleverserait positivement toute leur vie tant ils sont en attente de tout. Combien de familles monoparentales, travailleurs pauvres ai-je croisés dans mon association, qui dormaient dans une voiture, passaient d’hébergement en hébergement, d’amis en connaissances, espérant être un jour à l’abri ? Pourtant, des délinquants, criminels ou fauteurs de troubles vivent dans ces habitations privilégiées, sans respecter les règles de la société qui les favorise, les héberge et les protège.
Prenons l’exemple que je rencontre souvent dans mon association d’aide aux familles monoparentales. Une famille sans histoires : deux adultes salariés et deux enfants, classe moyenne, locataires dans le parc privé. Ils divorcent. Individuellement, ils ne peuvent se loger dans le privé car leurs revenus ne le permettent pas : loyers trop hauts, conditions d’accès à l’emprunt trop difficiles. Ils sollicitent deux logements pour ne pas faire subir aux enfants, en plus du divorce, un changement d’école. Impossible. Pas de place. Impossible par la façon dont les logements sociaux sont gérés en France, et impossible parce que des individus qui ne respectent pas les lois de la République prennent la place de ceux qui les respectent.
Dans une semaine, Elias allait fêter ses 15 ans. Sa vie a été fauchée à Paris, poignardé à mort alors que ses parents avaient tout misé pour l’aider à faire face à la vie. Lorsque ses parents se sont engagés dans l’éducation de leur enfant, pour la société, ils font face aux enfants de parents démissionnaires, souvent engagés contre la société, sans notion de la famille, de l’éducation, des valeurs de la vie. Deux solutions sont régulièrement évoquées, applicables mais peu appliquées pour tenter d’éviter d’autres Elias : suspendre les allocations familiales des parents jeunes délinquants, et les déloger des logements sociaux.
Dans une semaine, Elias allait fêter ses 15 ans. Sa vie a été fauchée
Pour les logements sociaux, les deux suspects dans l’assassinat d’Elias sont des récidivistes qui n’avaient pas le droit d’être ensemble alors qu’ils vivaient dans le même immeuble, mais personne ne les a délogés de ces habitations privilégiées. Il suffit de quelques-uns pour détériorer la quiétude de l’ensemble. Squat de halls, trafics, consommation de stups, rixes, etc. Confrontés à cela, pourquoi les maires, garants de la tranquillité et de la sécurité publique, ne passent-ils pas à l’action face aux bailleurs sociaux ? Dans les rares moments où ils sont saisis, ces bailleurs sociaux se vautrent dans l’inertie : « Un courrier va être envoyé au locataire » ou « Les faits n’ont pas lieu dans la résidence, nous ne pouvons rien faire. » Ils sont pourtant contraints de faire respecter leur contrat de bail qui prévaut qu’en cas de trouble de jouissance, « le locataire s’expose à l’expulsion ».
Face à cet aveu d’impuissance, la ville de Franconville, avec son maire Xavier Melki, a décidé de ne pas s’y résigner. « Nous avons choisi d’opposer aux bailleurs les obligations du maire, garant de la tranquillité et de la sécurité publique », explique-t-il. Ainsi, tout bailleur social qui refuserait de présenter au juge une demande d’expulsion à l’encontre de l’un de ses locataires devra faire face à une action en justice pour « complicité passive » et « obstruction aux pouvoirs de police du maire ». Xavier Melki écrit au bailleur en listant les faits sans nommer le locataire, demande à l’avocat du bailleur de se rapprocher du sien afin de constituer ensemble le dossier qui sera soumis au juge.
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Je me suis penchée sur des profils rendus anonymes, hébergés par des bailleurs sociaux. Trois dossiers, non-émeutiers, pour lesquels la dernière audience a eu lieu mi-janvier et a donné lieu à un nouveau report. Premier cas : un mineur. Port d’arme, violences volontaires en réunion, dégradations au domaine public, tentative de vol de véhicule, dégradations de biens privés, recel de vol, rixe, détention de stupéfiants, outrages et violences sur personnes dépositaires de l’autorité publique, attroupement armé, tentative de vol en réunion et menaces de mort, dégradation volontaire de bien privé en réunion, circulation sur véhicule non homologué. Deuxième cas : un mineur là aussi. Infraction à la législation sur les stupéfiants, refus d’obtempérer, recel de vol, vol par effraction, rixe, dégradations volontaires de biens privés en réunion. Troisième cas : un nouveau mineur. Usage de gaz lacrymogène, squat dans un immeuble, consommation de stupéfiants, nuisances, participation à des attroupements armés, outrages et violences sur personnes dépositaires de l’autorité publique, tentative de vol en réunion et menaces de mort, violences en réunion, cession de produits stupéfiants.
Dans l’affaire Elias, je me pose deux questions :
– Y a-t-il eu des manquements dans la gestion de ces mineurs et de leurs familles, notamment depuis le suivi des peines jusqu’au maintien dans le logement ? Je pense que oui.
– S’il n’y avait pas eu ces manquements mais une expulsion ou une gestion sérieuse des condamnations, l’issue aurait-elle été différente ? Je pense que oui.
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