Pour sortir du décrochage économique qui frappe la France, la première urgence est de la libérer des freins qu’elle s’est imposés à elle-même. La folie normative, l’asphyxie fiscale, sont aujourd’hui le premier risque pour tous ceux qui veulent produire dans notre pays. Il serait plus coupable encore, dans un tel contexte, de leur imposer une nouvelle concurrence déloyale, qui créerait un danger existentiel pour des filières entières, notamment dans l’agriculture. C’est la première raison pour laquelle nous sommes opposés depuis le départ à la ratification de l’accord entre l’UE et le Mercosur.
Publicité
Mais l’étude approfondie de cet accord, enfin publié en décembre dernier, a fait apparaître un autre obstacle majeur, qui n’a pas encore été mis en lumière. Une clause inédite a été introduite dans l’accord, qui menace la souveraineté des États membres et l’autonomie juridique de l’Europe entière. Sous l’aspect purement technique d’un mécanisme de règlement des différends, cette clause cache en réalité une révolution juridique. Elle permet en effet à l’une des parties de contester toute « mesure interne » prise par l’autre partie, quand elle estime qu’elle y perd des bénéfices qu’elle attendait de cet accord. Le terme « mesure » peut inclure les lois et les règlements, y compris ceux qui sont en cours de discussion.
La suite après cette publicité
Prenons un exemple : si demain les États européens décidaient de faire évoluer leur législation sanitaire, agricole, alimentaire, pour protéger leurs pays d’un risque pour la santé ou soutenir leur agriculture, les pays du Mercosur pourraient les en empêcher, ou à défaut obtenir une compensation – inquiétude supplémentaire, aucune définition précise n’est donnée de ce terme… En clair, nos États perdraient leur droit de légiférer souverainement, et céderaient même le monopole de l’interprétation de leur propre droit interne.
La suite après cette publicité
Au Parlement européen comme en France, nous refusons de céder au défaitisme
Cette clause relève du jamais-vu dans l’histoire de la politique commerciale : contrairement à tous les accords récemment signés dans le monde, elle expose des mesures parfaitement légales à des contestations potentielles. Ce n’est pas un hasard si une telle concession a suscité l’enthousiasme des pays du Mercosur. Dans une analyse officielle, l’Uruguay la qualifie comme « un outil de protection contre les mesures environnementales de l’UE qui faussent les flux commerciaux », ajoutant que cela constitue « un avantage concurrentiel majeur pour le Mercosur ». Mais à quel prix pour nous ? Cette déclaration devrait suffire à convaincre que cet accord représente une menace majeure pour nos démocraties.
Cette clause transformerait l’Europe en simple figurante dans la définition de sa propre politique. Prenons les exemples du règlement sur la déforestation, adopté par l’UE pour lutter contre l’importation de produits issus de la déforestation, ou encore du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, conçu pour redonner de la compétitivité à nos producteurs : ces textes, qui ne sont pas encore pleinement appliqués, pourraient être remis en cause au motif qu’ils affectent négativement les échanges commerciaux. Ils sont pourtant cruciaux pour lutter contre la concurrence déloyale et pousser les grands producteurs non-européens vers la décarbonation. Nous pourrions arriver à une situation ubuesque où, au nom de la lutte contre la déforestation, nos éleveurs bovins ou nos forestiers seraient soumis à des normes bien plus contraignantes que les agriculteurs du Mato Grosso… On marche sur la tête.
La suite après cette publicité
La suite après cette publicité
Les partisans du Mercosur défendent cette clause comme un compromis nécessaire. Elle montre pourtant combien cet accord ne protège ni nos règles, ni nos intérêts. Il ne fait qu’entériner un rapport de force dans lequel l’Europe ne cesse de sacrifier ses principes pour sauver le rêve d’une organisation du commerce désormais datée et dangereuse.
Au Parlement européen comme en France, nous refusons de céder au défaitisme. Cet accord est un mauvais accord, et il doit être écarté. Notre économie, notre agriculture doivent retrouver leur prospérité, et leur capacité d’exporter et de rayonner dans le monde ; mais c’est d’abord en les libérant des freins que des politiques aberrantes leur ont imposés que nous y parviendrons, non en nous mettant sous la tutelle d’autres continents pour espérer faire durer des illusions nocives. Nos pays doivent retrouver la maîtrise de leur destin, et non poursuivre la fuite en avant dans la dépossession où ils se trouvent piégés. Cette clause est une raison de plus de comprendre ce qui se joue, et d’engager notre énergie pour convaincre l’Europe de changer de cap, en particulier pour sauver notre agriculture avant qu’il ne soit trop tard.
Signataires :
– François-Xavier Bellamy, chef de la délégation des députés LR au Parlement européen
– Laurent Wauquiez, président du groupe Droite républicaine à l’Assemblée nationale
– Mathieu Darnaud, président du groupe Les Républicains au Sénat
– Céline Imart, députée européenne
– Julien Dive, député de l’Aisne
– Laurent Duplomb, sénateur de la Haute-Loire
Source : Lire Plus