Le 23 janvier dernier, le groupe rebelle congolais M23, aidé de troupes rwandaises, a lancé une offensive sur Goma, dans la région du Kivu, et s’est emparé de la ville après trois jours de combats. Cette localité congolaise, située à cheval entre la frontière du Rwanda et de la République démocratique du Congo, est le théâtre de tensions et de conflits entre groupes armés depuis plusieurs années. Alors que la situation est toujours incertaine, Yolande Makolo, la porte-parole du gouvernement rwandais, donne sa version des faits au JDD.
Le JDD. Pouvez-vous nous parler de la situation à Goma ?
Yolande Makolo. La situation est calme. L’eau et l’électricité commencent à revenir, le réseau téléphonique et internet également. Le M23 a pris le contrôle de la ville et est en charge de son administration désormais. De nombreux réfugiés rwandais, qui étaient coincés à Goma, ont commencé à revenir dans leur pays.
Les combats continuent-ils dans et autour de Goma ?
La plupart des combats ont cessé. Il y a eu pas mal de bombardements sur la ville et dans les environs. Je peux vous dire que nous avons perdu 15 personnes, qui ont été victimes d’un bombardement. Il y a eu plusieurs maisons détruites, des animaux de ferme ont été tués aussi. Je n’ai pas de chiffres exacts à vous donner, mais plusieurs civils ont perdu la vie lors des affrontements.
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La raison de ces combats n’est pas claire pour de nombreuses personnes en France. Qu’est ce qui a amené le Rwanda à soutenir cette offensive des rebelles du M23 sur Goma, ville congolaise ?
Ce qui s’est passé est le résultat de plusieurs années d’insécurité à l’est du Congo, juste à côté de nos frontières nationales. Depuis la fin de la guerre civile rwandaise et du génocide, certains individus qui partagent encore cette idéologie génocidaire se sont réfugiés au Congo. Ils continuent leurs exactions de là-bas, ils veulent provoquer une nouvelle guerre civile dans notre pays et profitent de l’appui du Congo pour se préparer. Nous ne pouvons pas laisser faire ça et nous continuerons à tout mettre en oeuvre pour garantir la sécurité de nos frontières.
Cette intervention militaire au Kivu n’a pas d’autres objectifs que garantir la sécurité des frontières du Rwanda ?
Non. Nous venons de commémorer les 30 ans du génocide. Nous ne pouvons pas laisser qui que ce soit faire planer la menace d’un nouveau massacre. Ces 30 dernières années, nous avons restauré la sécurité dans notre pays, vous avons bâti des infrastructures, une économie nationale. Nous avons fait du Rwanda un pays touristique, qui attire des milliers de personnes chaque année dans le monde. Nous essayons de donner du travail à la population rwandaise, de faire de notre pays une nation prospère. Nous ne pouvons pas accepter que des groupes de personnes à l’idéologie génocidaire, même s’ils sont hébergés par une puissance étrangère, puissent nous voler notre rêve. Notre plus bel accomplissement, c’est d’avoir réconcilié la société rwandaise avec elle-même, et cela n’a pas de prix.
Aujourd’hui, les rebelles congolais du M23 contrôlent la ville grâce au soutien du Rwanda. Ne craignez-vous pas une contre-attaque congolaise ?
Ils peuvent essayer. Le M23 est au courant de ça, mais l’armée congolaise et ses milices ont clairement été défaites. Le Congo avait concentré la plupart de ses militaires dans la région, et beaucoup se sont rendus ou ont été capturés. L’objectif est désormais de ramener une paix durable au Kivu.
Plusieurs centaines de mercenaires roumains ont été désarmés et renvoyés en Roumanie par les forces armées rwandaises. Que savez-vous de la présence de sociétés militaires privées au Congo ?
Nous avons été très choqués de cette découverte, même si nous savions que la République démocratique du Congo faisait appel à des mercenaires, nous ignorions que certains d’entre eux venaient d’Europe. Voir cela, en 2025, ce n’est pas normal. Le fait est que le Congo ne parvient pas à assurer la sécurité de ses propres citoyens, alors il fait appel à des mercenaires. Certains d’entre eux viennent d’Afrique du Sud, du Malawi ou de Tanzanie. Faire appel à des mercenaires étrangers va à l’encontre des principes de l’Union Africaine et nous espérons que nos partenaires africains réagiront à cela.
Comprenez-vous les inquiétudes de la communauté internationale quant à cette opération militaire à Goma ?
Les inquiétudes humanitaires de certains pays sont normales et légitimes, et nous sommes très attentifs sur le sujet. Mais les pays du conseil de sécurité de l’ONU comprennent bien la situation. Il y a 30 ans, les Casques bleus ont été déployés dans la région, mais ils ne sont pas parvenus à la pacifier. Le Kivu est plus instable et dangereux qu’il ne l’a jamais été. La communauté internationale doit comprendre que la paix doit revenir dans la région, et cela inclut la France, avec qui nous avons d’excellentes relations, ou encore la Belgique et le Royaume-Uni, qui, par leur statut d’anciennes puissances colonisatrices, savent très bien à quel point la situation est compliquée ici.
Quel futur envisagez-vous pour le Kivu ?
Ce qu’il s’est passé cette semaine est un épisode majeur dans l’histoire du Kivu. Nous voulons dialoguer avec tous les acteurs concernés et mettre en place des mesures qui garantiront la paix et la stabilité dans la région. Pour nous, la sécurité à nos frontières est une priorité absolue. Nous souhaitons également que les réfugiés, qu’ils soient Rwandais ou Congolais, puissent retourner chez eux.
Craignez-vous une guerre ouverte entre le Congo et le Rwanda ?
Nous n’avons pas peur, non. Nous désirons la paix, mais nous sommes prêts à nous défendre. Personne ne défend la guerre, et encore moins le Rwanda, car nous savons ce que la guerre implique et les conséquences qu’elle a sur les peuples. Pour être honnêtes, nous en avons assez des fausses promesses du Congo, des poignées de mains hypocrites. Nous voulons de réelles solutions de paix durable pour nos deux pays. Et nous serons très fermes là-dessus.
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