Parfois (et bien trop souvent ces derniers temps), on désespère du foot, de ses mœurs déliquescentes, de son trop-plein de matchs et de transferts, de ses clubs trop riches pour être attachants ou trop pauvres pour triompher. Et puis mercredi, on est allé à Guingamp. Cela faisait des semaines qu’on avait coché la date de Brest-Real Madrid, 8e et dernière journée de la phase de groupe de Ligue des champions, affiche la plus prestigieuse et improbable de l’histoire septuagénaire du club breton.
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Guingamp, ce n’est pas la destination à laquelle on penserait spontanément pour un « city break » fin janvier, quand les cours d’eau débordent et la nuit tombe à 18 heures. Mais la coquette sous-préfecture des Côtes-d’Armor et ses 7 127 habitants (recensement 2022) possèdent un atout imparable : le stade de Roudourou, 15 000 places homologuées UEFA à la différence des vétustes tribunes brestoises. Nolens volens, les supporters des « Ty Zefs » se sont habitués à parcourir les 113 kilomètres qui séparent les deux villes, colonisant joyeusement pour quelques heures les bords du Trieux.
Malgré une rivalité régionale vivace (et difficilement compréhensible pour les non-initiés), pas de bagarres ni de dégradations mais un avant-match à la bonne franquette : chants, défilés, fumigènes et scènes de fraternisation avec les fans adverses autour des tireuses à bière et des baraques à frites grésillantes – le tout sous le regard placide des forces de l’ordre.
« On aura tout aimé, sauf ces insultes déplacées visant Kylian Mbappé »
Une fois dans l’enceinte, accueillis par des stadiers qui ne se prennent pas pour Men in Black comme ailleurs, l’impression d’un voyage dans le temps, avant l’invention de « l’expérience client », comme disent les gars du marketing. Un peu de tsouin-tsouin mêlant AC/DC, pop et électro histoire de faire gentiment monter la sauce, un speaker qui ne hurle pas (trop) à l’annonce des équipes, une sono qui bugue en plein hymne de la compétition – problème apparemment récurrent qui provoquera l’incrédulité amusée des superstars madrilènes – et le coup d’envoi est donné sans qu’on soit déjà épuisé ou à moitié sourd.
À la pause, pour la première fois depuis l’invention de l’iPhone, le préposé au micro fait le point sur les autres rencontres. À sa sortie du terrain, le génial meneur du Real Luka Modric reçoit une ovation et applaudit le public à son tour. À 0-3, le kop brestois donne toujours de la voix ; à la fin, il acclame ses héros battus. De notre soirée à Guingamp, on aura tout aimé, sauf ces insultes déplacées visant le capitaine des Bleus Kylian Mbappé qui nous ont rappelé qu’on était bien – ou mal – en 2025. Et même s’il y fait beau plusieurs fois par jour, on reviendra volontiers pour le barrage des deux mondes face au PSG.
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