Fermée depuis plusieurs années, l’École de Langue des Signes s’apprête à laisser place à une nouvelle salle de prière islamique dans le XIVe arrondissement de Paris. La mairie a en effet décidé de transformer cet ancien centre de formation, situé au rez-de-chaussée d’un immeuble d’habitation, en un lieu de culte musulman pouvant accueillir plusieurs centaines de fidèles, comme le révèle le JDD, confirmant les informations de Valeurs actuelles. Une décision qui suscite la controverse.
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Une salle de prière officieuse
L’origine de ce projet controversé remonte à quelques rues de là, au 130 rue Vercingétorix. En 1977, un foyer de 300 places destiné à accueillir des migrants originaires d’Afrique y est construit. Outre les chambres, l’édifice comprend une cantine et une salle polyvalente. Rapidement, cette dernière se transforme en salle de prière musulmane.
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« Lors des fêtes religieuses, il y a du monde dans le square, les deux cours sont pleines. »
Au fil des ans, ce lieu de culte attire bien au-delà des seuls résidents du foyer. Chaque semaine, des centaines de fidèles extérieurs viennent s’y rassembler pour la prière. « Lors de la prière du vendredi soir, tout le monde peut observer les allées et venues des fidèles en djellaba. Lors des fêtes religieuses, le square et les cours du foyer sont bondés », confie une habitante du quartier au JDD. La salle de prière, recensée parmi les lieux de culte musulmans parisiens, apparaît sur Google Maps sous le nom de Masjdim, qui signifie « lieu de prosternation ».
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Mais en 2019, la société ADOMA, gestionnaire du foyer, décide sa démolition pour reconstruire un ensemble immobilier plus moderne. Absente des nouveaux plans, la salle de prière disparait. Face à la demande persistante, la mairie du XIVe arrondissement choisit alors d’aménager un autre espace de culte dans le quartier. Son choix se porte sur un local de 174 mètres carrés, situé au rez-de-chaussée d’un immeuble d’habitation, anciennement occupé par un centre de formation à la langue des signes.
Une atteinte à la laïcité ?
L’annonce du projet suscite une vive opposition. « Ce n’est tout simplement pas envisageable ! Les lieux ne sont pas adaptés, et cela contrevient au principe de neutralité religieuse que doit respecter la Régie Immobilière de la Ville de Paris (RVIP) », s’indigne un habitant du quartier. Le Collectif des habitants, usagers et riverains du quartier Pernety Plaisance (COQUA) a quant à lui fait de la lutte contre cette implantation son cheval de bataille, et a multiplié les démarches auprès de la mairie pour tenter de faire annuler le projet.
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Dans un communiqué, le COQUA expose plusieurs motifs d’opposition : au-delà de la question de la laïcité, les habitants évoquent des préoccupations liées à la sécurité, à la taille inadaptée du local ou encore à la proximité immédiate avec un collège.
Face à ces contestations, la mairie du XIVe semble adopter la stratégie du silence. « La maire refuse de nous répondre. Elle avait promis de consulter les habitants, mais en réalité, aucun d’entre nous n’a été informé ou sollicité », regrette un membre du collectif. Un mail du 8 avril 2024, que Le JDD a pu consulter, montre pourtant que la maire (Écologiste) Carine Petit s’engageait à organiser une réunion avec les représentants des cultes et les habitants du quartier. À ce jour, seule une réunion publique consacrée au futur foyer pour migrants – et non à la salle de prière – s’est tenue en novembre dernier.
D’après les informations communiquées par la mairie, le bail du local serait signé entre la RVIP, propriétaire des lieux, et une association parisienne, qui le mettrait ensuite à disposition d’une structure cultuelle. Un montage juridique qui, selon les opposants, ne respecterait pas les obligations légales en matière de gestion d’un lieu de culte.
Un climat de tensions croissantes
Depuis le début de la mobilisation contre l’installation de cette salle de prière, le climat s’est nettement dégradé dans le quartier. « Les gens ont peur. Il y a des regards hostiles dans la rue, une atmosphère tendue… Le quartier est devenu sensible », confie une riveraine. En novembre dernier, des tags et une affiche représentant des pistolets à eau ont été retrouvés dans un immeuble voisin, alimentant un climat de suspicion et d’inquiétude parmi les riverains.
Face à l’inaction de la mairie, les habitants s’organisent. Une pétition circule au sein de l’immeuble qui doit accueillir la salle de prière : elle aurait déjà recueilli 130 signatures. Le collectif COQUA déplore également la proximité du lieu de culte avec un collège public, y voyant un risque supplémentaire de tensions. Des solutions alternatives ont pourtant été proposées, notamment l’ancien tribunal ou le conservatoire du quartier, mais la mairie n’a donné suite à aucune de ces suggestions.
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