L’essentiel
- Monique Olivier a avoué en mai dernier son implication dans la disparition de Lydie Logé, que son ex-époux Michel Fourniret, aujourd’hui décédé, est soupçonné d’avoir tuée.
- La victime a disparu le 18 décembre 1993 dans le village de Saint-Christophe-le-Jajolet, dans l’Orne. Son corps n’a jamais été retrouvé.
- L’ex-épouse du tueur en série participe, depuis mardi, à une reconstitution autour du domicile de Lydie Logé. « C’est en revoyant un endroit précis que les souvenirs reviennent », observe Francis Eustache, enseignant-chercheur en neuropsychologie à l’université de Caen Normandie et spécialiste de la mémoire.
Trois jours pour retrouver la mémoire. Celle d’une femme qui fut l’épouse et la complice du tueur en série Michel Fourniret. Et qui a reconnu récemment son implication dans l’enlèvement et le meurtre, il y a 33 ans, de Lydie Logé. Cette mère d’un garçon de 7 ans s’était volatilisée le 18 décembre 1993 dans le village de Saint-Christophe-le-Jajolet, dans l’Orne. A l’époque, deux enquêtes avaient été ouvertes et avaient abouti à des non-lieux. Le mystère restait entier.
Les investigations ont été relancées en 2018 après des rapprochements établis entre les éléments pileux trouvés dans la camionnette de Michel Fourniret et l’ADN de la mère de Lydie Logé. Dans cette affaire, l’ogre des Ardennes et son épouse ont été mis en examen, le premier pour « enlèvement et séquestration » en décembre 2020, la seconde pour « complicité d’arrestation, d’enlèvement, de détention ou de séquestration arbitraire » en janvier 2021.
« C’est compliqué, 33 ans après, d’avoir des réponses »
Le tueur en série étant décédé en mai 2021, c’est seule que Monique Olivier, 76 ans, doit répondre aux interrogations de la juge Sabine Khéris, du pôle des crimes sériels et non élucidés de Nanterre (Hauts-de-Seine). La magistrate a noué avec elle, avec le temps, une relation de confiance. Comme l’a révélé RTL, elle l’a convaincu en mai dernier d’avouer que le couple avait bien enlevé la jeune femme. Après avoir tenté de la violer, Michel Fourniret, a-t-elle confié, l’a tuée.
Interrogé par la justice en 2019, le criminel avait, comme à son habitude, apporté des réponses plus ou moins floues, se contentant de dire : « Je ne vois que moi pour avoir mis fin à son parcours de vie ». Cinq ans plus tard, Monique Olivier est donc passée aux aveux. Mais reste encore une question : où se trouve le corps de la victime ? Pour tenter d’y répondre, la justice organise, depuis mardi, une reconstitution autour d’Argentan et du domicile de la jeune femme. « C’est compliqué, 33 ans après, d’avoir des réponses », a expliqué à la presse son avocat, Me Richard Delgenes, à l’issue de la première journée.
« Elle doit en conserver des souvenirs »
« C’est évident qu’en trente ans, beaucoup de choses sont oubliées ou passent à l’arrière-plan. Les souvenirs sont destinés à être oubliés, sauf certains qui sont marquants et qui vont constituer des révélateurs de l’identité d’une personne », explique à 20 Minutes Francis Eustache, enseignant-chercheur en neuropsychologie à l’université de Caen Normandie et spécialiste de la mémoire. Mais, précise-t-il, « des événements importants aussi tragiques sont entrés dans le cerveau, dans l’esprit de cette femme, et ont laissé une trace dans sa mémoire. Elle doit en conserver des souvenirs ».
Selon Francis Eustache, « parmi tous les ingrédients d’un souvenir, ce qui reste le plus fort, c’est l’espace ». « Encore faut-il que ces lieux aient des caractéristiques spécifiques. Un lieu basique, comme un forêt, ne peut pas être identifié s’il n’est pas identifiable. En trente ans, les arbres poussent, changent, grandissent, donc c’est extrêmement difficile de se souvenir », poursuit l’universitaire.
« La meilleure façon de faire »
La reconstitution pourra-t-elle aider Monique Olivier, dont la mémoire est souvent qualifiée de sélective, peut-être défaillante, à se souvenir ? A fournir des informations, des détails, qui permettront à la famille de Lydie Logé de récupérer son corps et d’obtenir des réponses ?
« C’est en revoyant un endroit précis que les souvenirs reviennent », observe Francis Eustache. Selon lui, « le fait de la remettre dans un contexte spatial est certainement la meilleure façon de faire ».