L’essentiel
- Après une année 2023 record en termes de narchomicides à Marseille, l’année 2024 a vu une diminution de moitié du nombre de morts.
- La coupe par deux du nombre de points de deal en trois ans recensés par la préfecture (de 181 à 84) provoque un effet de déport du trafic.
- 20 Minutes fait le point sur le bilan de la lutte contre le narcotrafic à Marseille en 2024.
L’année 2023 s’était conclue par un véritable bain de sang record de 49 morts dans des affaires de trafic de drogue à Marseille et ses alentours. En 2024, ces assassinats ont diminué de moitié, s’établissant à 24 morts, selon un bilan de la préfecture de police de Marseille et du parquet effectué ce mardi.
Commentant cette donnée, le procureur Nicolas Bessone a conscience que cette baisse était en partie liée « à une cause exogène : la fin de la guerre entre la DZ mafia et les Yodas », avec une victoire des premiers sur les seconds. Mais ces résultats sont aussi le fait « d’une politique proactive de la police qui a pu arrêter plusieurs commandos et déjouer certains assassinats », ainsi que des mesures d’isolement carcéral de potentiels commanditaires, a poursuivi le magistrat.
Aussi, le procureur a précisé qu’un peu plus de 200 personnes étaient actuellement mises en examen dans l’attente d’un procès pour leurs implications présumées dans des meurtres, dont trois mineurs de moins de 16 ans au moment des faits, une première en France. Et le bilan chiffré de 2024 ne s’arrête pas là.
Dix tonnes de cannabis, 500 kg de coke et 40 millions d’euros saisis
Sortir de la marchandise des circuits et confisquer des avoirs criminels est un enjeu important de la lutte contre le narcotrafic. Si les quantités de drogues saisies en 2024 (10,1 tonnes de cannabis et 487 kg de cocaïne) sont stables par rapport à 2023 (et en nette hausse par rapport à 2022), la justice a confiance dans sa capacité à accroître les saisies d’avoir criminels : « Nous avons encore une marge de progression considérable », a estimé Nicolas Bessone à ce propos, expliquant que la lutte contre le blanchiment d’argent était l’une des priorités.
A ce titre, il espère voir un renforcement de la collaboration internationale (dont le déplacement de Gérald Darmanin aux Émirats arabes unis lundi constituait l’un des objets). Aussi, il a été annoncé qu’une dizaine d’épiceries de nuit de Marseille, suspectées de complicité avec les trafics, seront fermées administrativement.
Pilonnage des quartiers nord et report sur le centre-ville et les livraisons
Des 161 points de deal de la ville recensés en 2021, 84 restaient actifs fin 2024. Une coupe par deux de ces supermarchés de la drogue permise par une présence et une pression policière accrue, mais qui a entraîné « un effet de déport des points de deal constaté par les divisions centre et sud de la ville ».
Ainsi, ces secteurs policiers sont passés respectivement de 500 à 1.000 interpellations chacun pour trafic de drogue entre 2023 et 2024. Sur l’ensemble du département, ce sont 3.400 personnes, dont un peu plus de 500 mineurs (soit la moitié de la délinquance des mineurs), qui ont été arrêtés l’année écoulée. Parmi celles-ci, 282 sont considérées comme faisant partie du « haut du spectre » et ont été emprisonnées.
Autre effet de ce déport : un accroissement des livraisons, activités dans laquelle les femmes trouvent une place qu’elles n’occupaient pas ou peu sur les points de deal physiques. En 2024, les enquêteurs de la police et de la gendarmerie ont mené à bien 121 affaires de types « ubershit », pour l’interpellation de 181 livreurs ou livreuses.
Une nouvelle loi très attendue et encore des renforts
Après la conduite en 2024 d’une mission d’enquête parlementaire sur le trafic de drogue en France, le sénat examine à partir de ce mercredi une proposition de loi très attendue des magistrats et policiers. « Nous avons hâte de voir ce nouvel arsenal législatif », a salué Nicolas Bessone, qui est de longue date favorable à la constitution de Cour d’assises spéciales, sans jurés populaires, pour juger les auteurs de « narcoterrorisme », selon un mot du préfet de police Pierre-Edouard Colliex.
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Egalement, cette loi prévoit une évolution du statut de « repenti » (collaborateur de justice) avec son ouverture aux auteurs de crimes de sang qui permettrait « d’atteindre des personnes aux cœurs des réseaux », estime Nicolas Bessone, formé en partie à Palerme.
Enfin, de nouveaux renforts et moyens d’enquête et de police vont arriver à Marseille, avec notamment 25 nouveaux enquêteurs prévus pour la fin mars et l’acquisition d’un second scanner à conteneurs pour le port de Marseille-Fos.