Philippe Stanislas Antoine Wasila aime les selfies. Sur sa page Facebook, ce Français de 57 ans, né au Luxembourg, en a posté des dizaines. En tenu de pilote de course sur un circuit, en costume assis dans un jet, en tee-shirt noir chevauchant une moto, devant un yacht, devant une Ferrari rouge, devant le siège de Maserati à Modène, en Italie, ou au volant d’une voiture de collection.
Cheveux mi-longs et barbe grisonnante, l’homme, qui ne sourit sur aucun cliché, paraît mener grand train. Sa dernière publication – une story consacrée à la Maserati Mistral – a été publiée le 11 octobre. A l’époque, il était pourtant déjà recherché par la justice du grand-duché, où il vécut de nombreuses années, soupçonné de ne pas être celui qu’il prétend.
Les enquêteurs de la cellule Recherche Fugitifs du service de police judiciaire de ce pays du Benelux sont à ses trousses depuis plusieurs mois. Un juge d’instruction veut l’entendre au sujet d’une affaire assez ancienne d’escroquerie. Le 17 avril 2024, un mandat d’arrêt européen et un mandat d’arrêt international ont été émis à son encontre. Et depuis le 12 novembre dernier, il figure sur le site Most Wanted, où l’on retrouve la liste des fugitifs les plus recherchés en Europe recensés par l’agence européenne de police criminelle Europol.
« Style de vie somptueux »
Lorsque les médias locaux s’en sont fait l’écho, Philippe Stanislas Antoine Wasila leur a envoyé un mail, affirmant n’être « nullement en fuite ». « Je n’ai pu me rendre aux dernières convocations du juge d’instruction avec qui j’ai cependant correspondu régulièrement », écrit-il, justifiant ces absences par des « raisons médicales d’importance ».
« Il est, à ce jour, toujours recherché », indique cependant à 20 Minutes le service communication du ministère de la Justice du grand-duché. « L’individu est toujours recherché » par les autorités luxembourgeoises, nous confirme également Europol. Il faut dire que les enquêteurs de la police financière le soupçonnent d’avoir escroqué, entre 2013 et 2014, environ 5,4 millions d’euros à des investisseurs en se faisant passer pour un riche homme d’affaires et un avocat prospère. Une manière, estiment les enquêteurs, de mettre en confiance ses victimes, rassurées par le « style de vie somptueux » qu’il menait.
Sociétés opaques et comptes bancaires à l’étranger
« Il a en outre prétendu être le directeur d’un prétendu fonds d’investissement, promettant des rendements substantiels grâce à un projet innovant impliquant le développement d’un drone autonome », indique la police luxembourgeoise sur son site internet. Le suspect est même parvenu à convaincre plusieurs investisseurs de lui confier des fonds. Mais « les fonds investis n’ont jamais été alloués au projet de drone, poursuit la police du grand-duché. Au contraire, Wasila a créé un réseau de sociétés opaques et de comptes bancaires à l’étranger pour détourner l’argent des investisseurs et l’utiliser pour financer son mode de vie. »
Les investigations ont démontré que le Français « n’était ni un avocat agréé, ni un gestionnaire d’investissement enregistré au Luxembourg ou dans toute autre juridiction ». « Le prétendu fonds d’investissement n’a jamais été reconnu par le régulateur financier luxembourgeois, la Commission de surveillance du secteur financier. Wasila ne disposait pas des autorisations nécessaires pour gérer ou superviser un fonds d’investissement. »
« (Mon) innocence sera démontrée »
Dans sa lettre adressée aux médias du Luxembourg, Philippe Stanislas Antoine Wasila demande à bénéficier de la « présomption d’innocence » dans ce « dossier vieux de plus de dix ans » qui n’a « toujours pas été jugé ». Il dénonce un « juge qui instruit ce dossier uniquement à charge » et affirme s’être rendu à deux reprises dans les locaux de la police pour répondre aux questions des enquêteurs. « Je leur ai transmis tous les documents et comptes nécessaires à leur enquête en ma possession et répondu à toutes les très nombreuses questions, assisté ou non de mon avocat. »
Le suspect, qui parle six langues – français, anglais, allemand, grec, italien et luxembourgeois –, indique que son « casier judiciaire est rigoureusement vierge » et assure que son « innocence » sera « démontrée en son temps ». Il regrette que cette affaire compromette « gravement » sa « réputation »
« Spécialiste mondial des fusions et acquisitions »
Sur LinkedIn, Philippe Stanislas Antoine Wasila se présente comme « associé principal » au sein de l’entreprise Xasteria Finance S.A., « spécialiste mondial des fusions et acquisitions ». Un poste qu’il occuperait depuis plus de vingt-sept ans. Son chiffre d’affaires, écrit-il, serait « compris entre 10 et 500 millions de dollars ». « Nos négociateurs ont collectivement conclu plus de 250 transactions dans plus de 20 secteurs différents », se félicite-t-il. Il aurait aussi été président de Nazca Investment entre 1996 et 2015, indique-t-il sur le réseau social. Sa photo de profil ? Lui travaillant dans un avion, une coupe de champagne posée sur la tablette.
Contacté par mail par 20 Minutes, Philippe Stanislas Antoine Wasila déplore être « traité comme le pire criminel alors que le dossier est encore à l’instruction ». Selon lui, « tout ce qui est dit ou presque est faux et procéde d’une exécution en place publique de la part du parquet luxembourgeois ». « Je n’ai pu rencontrer le magistrat instructeur pour raisons médicales averées et on choisit de détruire ma réputation à la face du monde comme on enfume un blaireau au fond d’un terrier », ajoute-t-il, regrettant « les conséquences » pour ses proches et ses affaires, lui qui est « connu et reconnu sur différents continents ». « J’utiliserai bien entendu toutes les voies de recours légal pour faire valoir mes droits et demander réparation », conclut-il.