C’était il y a vingt-sept ans, le 8 juin 1997. Cécile Vallin, une adolescente de 17 ans, disparaît en fin d’après-midi alors qu’elle marche le long d’une route départementale de Savoie, à Saint-Jean-de-Maurienne. Les enquêteurs pensent d’abord à un accident, d’autant que la zone est assez escarpée, envisagent un suicide, mais sans jamais écarter la piste criminelle. Malgré l’importance des moyens déployés, son corps n’a jamais été retrouvé. Aucune garde à vue n’a eu lieu. Jusqu’à ce mardi matin. Monique Olivier, l’ex-femme et complice du tueur en série Michel Fourniret, a été extraite de sa cellule de Fleury-Mérogis pour être placée en garde à vue, a appris 20 Minutes de sources concordantes, confirmant une information du Parisien.
« Cette audition fait suite à des déclarations que Monique Olivier a tenues devant des enquêteurs belges en 2005, mais le PV d’audition ne nous est remonté que très récemment », précise une source proche du dossier. La femme de « l’ogre » y évoque le meurtre d’une jeune fille, une « baby-sitter », à la fin de l’année scolaire 1997. Dans ses souvenirs, la victime a entre 16 et 18 ans, les cheveux clairs. Monique Olivier explique avoir croisé la victime dans leur maison de Sart-Custinne, en Belgique. Ce soir-là, précise-t-elle, elle a dormi dans la voiture, avec leur fils, Sélim, alors âgé de 8 ans. « Si Fourniret a ramené cette jeune fille à la maison, c’est pour abuser d’elle sexuellement. S’il a abusé d’elle, il n’allait pas la laisser repartir vivante », indique-t-elle aux enquêteurs belges.
Mais ce PV, aussi précis soit-il, est longtemps resté inconnu des autorités françaises. Il a été exhumé l’hiver dernier, au cours du procès de Monique Olivier pour les enlèvements et meurtres d’Estelle Mouzin, Joanna Parrish et Marie-Angèle Domèce. L’un des avocats des parties civiles, Me Didier Seban, en lit alors de larges extraits lors de sa première audition. « En juin 1997, une jeune fille de 17 ans, Cécile Valin disparaît à Saint-Jean-de-Maurienne », insiste-t-il. Monique Olivier, l’air agacé, se contente de nier mollement, assurant ne pas s’être rendue en Savoie. Mais la machine judiciaire est enclenchée : peu après le verdict du procès, l’avocate du père de Cécile Vallin, Me Cathy Richard, a expressément demandé une audition. C’est donc chose faite.
Reste à savoir ce qui pourra en sortir. Me Richard Delgenès, qui assiste Monique Olivier depuis quinze ans, en est persuadé : cette garde à vue, qui peut durer 48 heures, sera « contre-productive » car Monique Olivier restera muette s’il n’est pas dans la pièce. « Elle a été placée en garde à vue à 10 heures, on m’a prévenu une demi-heure plus tard alors qu’on sait très bien que j’ai trois heures de route », s’emporte-t-il. Lors du procès qui s’est tenu fin 2023, Me Richard Delgenès a souvent œuvré pour aider sa cliente à « s’ouvrir » et à « libérer sa parole ». C’est même lui qui a brièvement pris les rennes de son interrogatoire quand le président patinait.
« Ils refont les mêmes erreurs qu’il y a quinze ans dans l’affaire Mouzin, déplore-t-il. Pour que Monique Olivier parle, il faut la mettre en condition, on le sait que c’est très compliqué. Il faut un cadre, la préparer. » Surtout, il craint que cette garde à vue puisse nuire non seulement à cette affaire mais à d’autres : la femme de l’ogre doit être interrogée le mois prochain sur l’affaire Lydie Logé. Des traces ADN de cette jeune maman, qui s’est volatilisée en décembre 1993, ont été découvertes dans le fourgon de Fourniret.