L’ombre de l’ultra gauche plane sur une série de sabotages plus ou moins réussis. A commencer par les actes qui ont visé plusieurs lignes de trains à grande vitesse, dans la nuit de jeudi à vendredi. Les enquêteurs de la gendarmerie et de la police judiciaire, chargés par le parquet de Paris des investigations, tentent toujours d’identifier et de retrouver les malfaiteurs qui ont coupé et incendié des câbles à divers endroits du réseau TGV, semant la pagaille quelques heures avant le début des Jeux olympiques.
La piste de l’ultra gauche est « probable mais pas encore démontrée », souffle à 20 Minutes une source proche du dossier, ajoutant que, dans cette affaire, il n’y avait pas encore eu d’interpellation.
Toujours prompt à communiquer sur les enquêtes en cours, le ministre de l’Intérieur démissionnaire a déclaré, ce lundi matin sur France 2, que les enquêteurs avaient « identifié un certain nombre de profils de personnes qui auraient pu commettre ces sabotages ». Parmi eux, « des gens peuvent se rapprocher de cette mouvance », a ajouté Gérald Darmanin, précisant qu’il s’agissait, selon lui, du « mode traditionnel d’action de l’ultra gauche ». Un message « qui ressemble à une revendication » a été envoyé, samedi, à plusieurs médias, a rappelé l’hôte de la place Beauvau, ajoutant qu’il fallait « faire attention car cela peut être une revendication d’opportunité ».
Un militant d’ultragauche arrêté en Seine-Maritime
D’autres faits, qui ont été commis ou découverts ces derniers jours, accréditent encore un peu l’hypothèse d’une opération préparée et coordonnée par l’ultragauche. A commencer par l’interpellation, dimanche, en Seine-Maritime, sur un site de la SNCF, d’un homme de 29 ans, déjà connu de la justice et du renseignement territorial comme appartenant à cette mouvance. Le conducteur d’un train avait signalé, un peu plus tôt, la présence de plusieurs personnes « au niveau d’une armoire électrique située à l’île aux bœufs entre Tourville-la-Rivière et Oissel », indique à 20 Minutes le parquet de Rouen. Ces dernières ont ensuite pris la fuite.
Plus tard, le suspect a été interpellé lorsqu’il est retourné récupérer son véhicule, resté sur les lieux. « Divers objets et notamment plusieurs bombes de peinture ont été retrouvés à l’intérieur de ce véhicule », poursuit le parquet de Rouen. Selon nos informations, les policiers ont également découvert des « outils pouvant être utilisés pour commettre des dégradations », un jeu de « clés universelles pouvant ouvrir les locaux techniques » de la SNCF, et de la littérature en lien avec l’ultragauche, à savoir l’ouvrage de Romain Huët « Le vertige de l’émeute : de la ZAD aux Gilets jaunes ».
Cet homme a été placé en garde à vue au commissariat de Rouen pour « pénétration ou circulation dans une dépendance de la voie ferrée interdite au public et association de malfaiteurs ».
La SNCF encore visée
Toujours dimanche, vers 14 heures, les policiers du Val-d’Oise ont été alertés par des agents de la SNCF qui avaient constaté un acte malveillant dans un local technique, à Cormeilles-en-Parisis. Les fonctionnaires ont remarqué que deux barrettes électroniques, permettant la régulation des feux de signalisation ferroviaire, ont été retirées du tableau électrique. Le système de secours s’est alors mis en marche, et aucun dysfonctionnement n’a été constaté. Le service local de police judiciaire a été saisi par le parquet.
Autre fait commis dimanche, dans le Val-de-Marne cette fois. Selon nos informations, à 21h50, les agents de la SNCF ont prévenu les forces de l’ordre après qu’une alarme se soit déclenchée sur un site couvrant le passage de la ligne grande vitesse. En regardant les images captées par les caméras de surveillance, ils ont constaté qu’un homme avait découpé un trou de deux mètres sur trois dans un grillage. Trois autres caméras ont été dégradées.
Hasard ? Ou opérations coordonnées ? Toujours selon nos informations, des agents de la sûreté de la SNCF ont également signalé qu’un grillage a été découpé un peu plus loin, sur la commune de Châtelet en brie. D’autre part, ils ont signalé aux policiers une tentative d’intrusion dans un local de l’entreprise publique à Presles-en-Brie. Le commissariat de Montereau-Fault-Yonne a été saisi des faits. « Il y a très fréquemment des intrusions illégales, tags, ou vols de matériels sur des sites SNCF, cela ne veut pas dire qu’il y ait un lien avec l’enquête » ouverte par le parquet de Paris, souligne une source judiciaire.
« NO J.O. »
Plus au Sud, une enquête a été ouverte après l’incendie, dans la nuit de jeudi à vendredi, d’une antenne relais de téléphonie à Saint-Orens de Gameville (Haute-Garonne). « Il semblerait qu’un groupe toulousain d’ultragauche ait relayé une revendication d’un groupuscule national », a fait savoir à l’AFP le parquet de la Toulouse, invitant à la prudence « puisque leurs revendications sont parfois fallacieuses : ils s’attribuent des actions qui ne sont pas les leurs ». Il note qu’un tag « NO J.O. » a été retrouvé à proximité du lieu de l’incendie, sans que l’on sache encore s’il a été fait avant ou au moment du sinistre.
Enfin, trois jours après des lignes TGV de la SNCF, ce sont les réseaux de fibre optique de plusieurs opérateurs français qui ont été visés dans la nuit de dimanche à lundi par des actes de sabotage. Si les faits n’ont, pour l’heure, pas été revendiqués, le parquet de Paris a annoncé ce lundi qu’il reprenait ce dossier. Il a chargé la Junalco (Juridiction nationale de lutte contre la criminalité organisée) d’ouvrir une enquête pour « détérioration de bien de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation », « atteintes à un système de traitement automatisé de données en bande organisée », et « association de malfaiteurs en vue de commettre ces crimes et délits ». Les investigations ont été confiées à la Sdat (Sous direction de l’antiterrorisme) et aux sections de recherche de la gendarmerie nationale dans les zones concernées.