Deux mois que personne ne l’a vue. Que Karine Esquivillon-Pialle semble s’être évaporée du domicile familial de Maché, en Vendée. C’était le 27 mars, en milieu d’après-midi. Selon le témoignage de Michel Pialle, son mari, c’est après s’être affairé dans leur jardin qu’il constate le départ de sa femme, mère de leurs trois enfants, âgés de 12 à 20 ans, et de grands garçons nés d’une précédente union. Quelques affaires à elle ont également disparu de la maison, ainsi que le livret de famille.Depuis, cette brune menue aux cheveux frisés, âgée de 54 ans, est introuvable. Et ce malgré l’ouverture, le 17 avril, d’une information judiciaire pour « enlèvement et séquestration », l’appel à témoins diffusé par la gendarmerie et largement relayé dans les médias, et d’intenses recherches. Survol en hélicoptère de la région, plongeurs envoyés sonder un plan d’eau à proximité du domicile, enquête de voisinage… « Les investigations et les recherches se poursuivent », indique sobrement le parquet, qui refuse de communiquer sur le fond du dossier.« Je décide de partir »Michel Pialle, son mari, ne s’en cache pas : au début, il ne s’est pas fait beaucoup de soucis. Il en est convaincu, Karine Esquivillon est partie volontairement. Preuve en est, ce SMS qu’il a reçu quelques heures après son départ : « Marre de vivre à deux mais pas en couple, je décide de partir ». Il affirme qu’ils étaient séparés – mais pas divorcés – depuis plusieurs années. Ils avaient néanmoins fait le choix de rester sous le même toit, pour des questions tant familiales que financières. Interrogée par BFM, Eva-Louise, la fille aînée du couple, 20 ans, évoque une « colocation » pour définir la relation de leurs parents.Plusieurs autres SMS à destination de ses proches ont suivi. Karine Esquivillon est-elle l’auteur de ces textos ? C’est ce que cherchent à déterminer les enquêteurs. Un message les intéresse tout particulièrement : une photo de la dune du Pilat, sur lequel elle n’apparaît pas et qui, selon nos informations, ressemble à s’y méprendre à un cliché disponible sur le Web. Il s’agit également du dernier SMS, envoyé le 31 mars. Depuis, silence radio. Trois jours après la réception de ce cliché, Michel Pialle dépose une main courante à la gendarmerie, dans laquelle il évoque un « abandon de foyer ». Mais Karine Esquivillon est majeure et en l’absence de vives inquiétudes, le dossier n’est pas jugé prioritaire.Un portable chargé, sec mais sans carte SIMMais l’enquête prend un nouveau tournant le 9 avril, soit six jours après la main courante. Ce jour-là, le maire de Maché, Frédéric Rager, se promène avec son épouse lorsqu’il découvre un téléphone. « Un pur hasard, insiste l’édile. Il était sur le bas-côté, le long d’une route très empruntée par des voitures mais peu accessible pour les piétons. Ce n’est pas du tout un endroit où on se promène. Nous, on cherchait à rejoindre un chemin. » Selon son récit, l’appareil est éteint mais en parfait état. Propre, sans la moindre rayure. Et surtout sec. « Ça ne fait pas de doute qu’il était là depuis quelques heures à peine, il y avait encore plus de 50 % de batterie. » En essayant de l’allumer, l’édile constate que la carte SIM a disparu mais remarque, dans l’étui, une petite photo d’identité.Le cliché représente la fille aînée de cette famille, installée dans le village depuis une vingtaine d’années mais décrite comme très discrète. A la fin de sa promenade, le maire décide donc de porter le téléphone chez eux, à environ 3 kilomètres du lieu où il l’a découvert. La famille est absente mais grâce à un voisin, Frédéric Rager parvient à joindre Michel Pialle. « Il m’explique que l’appareil est à sa femme mais que cette dernière est partie depuis quinze jours, se remémore l’élu. Je commence à m’inquiéter mais il me dit qu’elle a juste quitté le domicile et qu’il a signalé ce fait à la gendarmerie du coin. »Si l’édile se souvient d’un homme au timbre de voix plutôt calme, Michel Pialle, lui, tient un autre discours. « J’étais en voiture avec le kit mains-libres, j’ai arrêté la voiture et demandé d’attendre que je me gare car un maire qui se déplace, c’est en général de mauvaises nouvelles, j’ai très peur. » Après avoir déposé le téléphone dans la boîte aux lettres, Frédéric Rager décide de faire un crochet par la gendarmerie : on lui confirme qu’un signalement a été effectué quelques jours auparavant mais sa découverte intrigue : il est rappelé dès le lendemain pour une déposition. Comment expliquer les SMS et la photo de la dune envoyés quelques jours auparavant ? Et que l’appareil soit dans un si bon état ?« C’est une mère très présente, dévouée »Cette thèse d’un départ volontaire est loin de faire l’unanimité dans l’entourage de Karine Esquivillon, décrite comme très proche de sa famille et très investie auprès de ses enfants. A la naissance de son deuxième fils avec Michel Pialle, elle arrête de travailler pour s’occuper de l’enfant, atteint de surdité, et monte une association. « Partir sans donner de nouvelles à ses enfants, je n’y crois pas du tout, c’est impossible, vraiment », estime une de ses amies, contactée par 20 Minutes. Et d’insister : « C’est une mère très présente, dévouée pour ses enfants. » Dans une interview à BFM, sa fille Eva-Louise, 20 ans, en est convaincue, sa mère « ne serait jamais partie aussi longtemps. Partir volontairement comme cela du jour au lendemain, sans prévenir, sans donner de raisons, ça ne lui ressemble pas. »Pour autant, la jeune femme dédouane totalement son père, pointé du doigt par les rumeurs. « Tout prouve que ce n’est pas lui », insiste-t-elle, faisant référence aux multiples fouilles menées chez eux depuis l’ouverture de l’information judiciaire. La maison et le jardin ont été inspectés de fond en comble. Les appareils informatiques saisis et analysés. Michel Pialle, s’il reste convaincu que le départ de son épouse est volontaire, affirme ne pas comprendre le cheminement de son ex-compagne. Mauvaise rencontre ? Accident ? Volonté de changer de vie ?Après avoir beaucoup communiqué, il entend désormais faire une pause. « Je suis épuisé et j’ai besoin de protéger et de bien m’occuper de mes enfants », insiste-t-il, confiant son désarroi « entre une inquiétude plus forte chaque jour » et la pression médiatique. Sur les réseaux sociaux et notamment sur un groupe Facebook de pseudo-enquêteurs, il est régulièrement visé, comparé à Cédric Jubillar ou Jonathann Daval. Il affirme qu’une plainte pour « harcèlement » et « diffamation » est en cours d’élaboration. En attendant, il n’attend qu’une chose : que Karine Esquivillon leur fasse un signe.Faits diversVendée : Enquête pour enlèvement et séquestration après la disparition d’une femme fin marsSociétéCôtes-d’Armor : Enquête ouverte pour meurtre après la disparition d’un homme de 45 ans