Il aurait entendu la veille « une petite voix » qui lui aurait suggéré de commettre un assassinat. Voilà ce qui ressort de l’audition par la police de l’adolescent qui a poignardé sa professeure d’espagnol, mercredi à Saint-Jean-de-Luz (Pyrénées-Atlantiques). Un drame qui remet sur la table la question de la détection et de l’accompagnement des élèves souffrant de problèmes psychologiques ou de troubles psychiatriques dans les établissements scolaires, même si cet adolescent était suivi par un médecin psychiatre en dehors du lycée. 20 Minutes fait le point sur ce dossier.Quel est l’état des lieux de la médecine scolaire dans les établissements publics ?Selon un rapport de la Cour des comptes de 2020, il y avait un infirmier scolaire pour 1.300 élèves en 2018, et un médecin scolaire pour 12. 572 élèves. Et selon un rapport de l’Education nationale de 2021, on dénombre 1 PsyEN (conseillers d’orientation-psychologues) pour environ 1.500 élèves. Sachant que ces derniers n’ont pas pour seule mission d’intervenir auprès des élèves en souffrance psychologique, car ils doivent aussi aider les collégiens et lycéens à élaborer leur projet d’orientation et œuvrer à la prévention du décrochage scolaire.Affirmant que « la santé scolaire est une question importante », le ministre de l’Education, Pap Ndiaye, a rappelé sur France Bleu ce jeudi que 20 % de psychologues – actuellement en formation – avaient été recrutés en plus en 2022 et que 50 postes d’infirmiers scolaires avaient été créés la même année.Pourquoi le rôle des infirmiers scolaires est-il prépondérant ?« Pour les élèves, les familles et les équipes éducatives, la santé scolaire est surtout incarnée par les personnels infirmiers : ce sont les professionnels de santé les plus nombreux, les plus disponibles (…) », soulignent les Sages de la rue Cambon. « Dans les collèges, l’infirmier est en charge de la visite obligatoire des élèves de 12 ans, laquelle permet d’évaluer l’état de santé des élèves et de repérer ceux qui vont mal », décrit Gwenaëlle Durand, secrétaire générale du syndicat national des infirmiers et infirmières éducateurs de santé (Snies).Dans les collèges et les lycées, l’infirmier est aussi là pour prodiguer les premiers soins en cas de maladie ou de blessure. Son rôle est aussi de détecter les problèmes psychiques ou les troubles mentaux. « Les élèves viennent nous consulter lorsqu’ils se sentent angoissés. Certains enseignants nous signalent aussi des collégiens ou lycéens qui cumulent des absences, sont en retrait, pleurent souvent, entendent des voix… », poursuit-elle. Après un entretien, les infirmiers scolaires informent les parents de l’état de leur enfant s’il est jugé inquiétant. « Nous pouvons aussi appeler le 15 pour savoir vers quelle structure médicale orienter l’élève. »Pourquoi le manque de personnels de santé est-il problématique ?Selon Gwenaëlle Durand, « les infirmiers exercent parfois sur plusieurs établissements, en raison d’une pénurie de personnel. En collège, ils ne sont souvent là que deux jours et demi par semaine, ce qui est très insuffisant, notamment pour repérer des signes de détresse psychologique. Car pour que les élèves viennent nous consulter, il faut qu’ils nous identifient, qu’ils nous fassent confiance ».Et le rythme de travail de ces professionnels est souvent très soutenu : « On a souvent entre 20 et 50 passages d’élèves par jour », indique-t-elle. Enfin, les visites médicales pour les élèves de 12 ans évoquées plus haut, pourtant obligatoires, ne sont pas effectuées systématiquement, faute de moyens.Qu’en est-il dans les établissements privés ?Les établissements privés – c’est le cas du lycée où s’est déroulé le drame mercredi – reçoivent des fonds de l’Etat pour assurer leur fonctionnement, mais ils ne sont pas obligés de posséder un service de santé implanté dans leurs murs. Or, il est rarissime qu’ils recrutent des médecins et des infirmiers scolaires, hormis dans les grandes structures. Et encore, ils n’y sont employés qu’à temps partiel. « L’équilibre financier de nos établissements ne nous permet pas d’en recruter. Ou alors, nous devrions augmenter fortement la contribution financière des familles », explique ainsi Yann Diraison, adjoint au Secrétaire général de l’Enseignement catholique.Dans le privé, le repérage des élèves en souffrance psychologique incombe donc aux enseignants : « Dans ces cas, ils signalent ces élèves au chef d’établissement, qui alerte la famille », poursuit-il. Et il est rarissime qu’ils aient reçu une formation pour détecter les signaux faibles…SociétéPénurie de vocations, praticiens débordés… Pourquoi la médecine scolaire est le parent pauvre de l’Education nationaleFaits diversEnseignante tuée à Saint-Jean-de-Luz : Le suspect « a mis en avant une petite voix qui l’incite à faire le mal »