Chargé de l’instruction dans le cadre de l’affaire d’Outreau, le juge Fabrice Burgaud a marqué par son individualisme. Dans le documentaire L’Affaire d’Outreau, diffusé ce mardi 17 janvier 2023 sur France 2, les avocats du dossier racontent.
C’est l’un des protagonistes de l’affaire d’Outreau. En janvier 2001, fraîchement sorti de l’école, le juge Fabrice Burgaud se voit confier l’instruction de l’affaire Delay-Badaoui, une affaire pénale dans laquelle quatre enfants, Chérif, Dimitri, Jonathan et Dylan, accusent leurs parents d’agressions sexuelles. Au cours de l’instruction, quatre personnes reconnaissent les faits : Thierry Delay et Myriam Badaoui, les parents des victimes, et leurs voisins de palier, David Delplanque et Aurélie Grenon. Mais persuadé que l’affaire va plus loin, le juge Burgaud se lance dans une véritable chasse à l’homme. En tout, 18 adultes sont arrêtés et incarcérés, parfois pendant plusieurs années. Treize d’entre eux seront acquittés en 2005, ce que Jacques Chirac qualifiera de “désastre judiciaire sans précédent”.
Dans le documentaire L’Affaire d’Outreau, diffusé ce mardi 17 janvier 2023 sur France 2, les avocats du dossier reviennent sur le fiasco d’Outreau. Ils évoquent notamment les méthodes contestables du juge Burgaud, que l’obsession a poussé aux pires erreurs de jugements. “Monsieur Burgaud pensait tenir l’affaire du siècle, pensait tenir un réseau pédophile international, confie Fabienne Roy-Nansion, avocate de David Delplanque. Je crois aussi qu’il se faisait un point à gérer tout seul ce dossier-là, que ce dossier l’obsédait, que ça devait l’occuper jour et nuit.” “Monsieur Burgaud est, il faut le préciser, c’est important, enfermé dans son bureau. Complètement enfermé, renchérit Olivier Rangeon, avocat de Daniel Legrand, fils.
Selon les magistrats, le juge Burgaud souhaitait tant mener la danse qu’il empêchait les autres acteurs de l’affaire d’accéder aux détails de l’instruction. “Il est comme dans sa tour d’ivoire enfermé avec son dossier, poursuitMaître Rangeon. C’est inhabituel pour les avocats parce qu’il n’a qu’une seule copie du dossier qui est disponible. Il faut demander l’autorisation avant à Monsieur Burgaud.”
Et cette autorisation est très difficile à obtenir. D’après Hubert Delarue, avocat d’Alain Marécaux, le juge d’instruction faisait tout pour ne pas la délivrer, au point d’inventer des excuses pour le moins tarabiscotées. “C’était ‘la photocopieuse ne marche pas’. Quand elle marchait, celui qui devait la faire fonctionner était en RTT, après il était malade, ou après il avait pris sa retraite, il n’était pas remplacé, se souvient Maître Delarue. On a eu toutes les excuses possibles et inimaginables et donc une très grande difficulté à voir le dossier dans son ensemble. On travaille dans une ambiance très compliquée, très difficile, dans une ambiance hostile.”
Largement critiqué pour sa gestion de l’affaire d’Outreau, le juge Burgaud a reconnu en partie ses torts lors d’une audition face aux parlementaires, le 8 février 2006. “Aujourd’hui, peut-être plus que tout autre, je peux sentir leur souffrance, me représenter ce qu’ils ont vécu, l’enfermement, la séparation d’avec des êtres chers, leur honnêteté contestée, a-t-il confié. Je suis entièrement responsable de mon instruction et je ne souhaite pas éluder ma responsabilité.” Après s’être vu “réprimandé avec inscription au dossier” par le Conseil supérieur de la magistrature en avril 2009, le juge d’instruction a poursuivi sa carrière dans la magistrature. Depuis 2017, il est avocat général référendaire à la Cour de cassation.