« On vous l’avait bien dit que ça allait arriver et c’est arrivé. » Lorsqu’ils se rendent, lundi matin, un peu après 8 heures, à proximité du lycée Guillaume Apollinaire, à Thiais (Val-de-Marne), les policiers sont accueillis par certains jeunes très énervés. Sur le macadam, gisent les corps de deux adolescents de 16 ans, grièvement blessés. L’un d’eux, qui a été poignardé à la cuisse, est conscient. Mais la lame a touché l’artère fémorale de la victime qui se vide de son sang. Les fonctionnaires vont aussitôt chercher de quoi faire un garrot dans leur véhicule et le mettent sur sa jambe pour tenter de stopper l’hémorragie. A quelques mètres, son ami est allongé sur le sol dans une flaque de sang. Le jeune homme a reçu un coup de couteau dans le cœur.Un de ses amis appuie sur la plaie pour contenir tant bien que mal le saignement. Mais la victime ne respire plus. Aidés par un habitant du quartier, un jeune de 20 ans, les policiers tentent de faire repartir son cœur en lui prodiguant un massage cardiaque. Les pompiers, qui arrivent sur les lieux quelques minutes plus tard, prennent leur relais. Le lycéen est transporté à l’hôpital Henri Mondor à Créteil en urgence absolue où il décédera. Son ami a également été hospitalisé, mais son pronostic vital n’est pas engagé.Une rixe entre bandes de jeunes de quartiers rivaux ?Les policiers restés sur place entendent les témoins de la scène. Ils leur racontent que des jeunes originaires de la ville voisine de Choisy-le Roi sont venus pour s’en prendre à un groupe de la cité des Grands Champs à Thiais, avec qui ils sont en conflit. Les agresseurs, entre cinq et dix, « étaient en situation de guet et attendaient » à proximité de l’établissement scolaire, a indiqué le procureur de la République de Créteil, Stéphane Hardouin, lors d’une conférence de presse. Tidiane, la victime décédée, aurait tenté de calmer les deux groupes lorsqu’elle a été poignardée. « Selon les témoins, les agresseurs auraient poursuivi les deux victimes sur quelques dizaines de mètres », a ajouté le procureur, précisant qu’un couteau avait été découvert à proximité du lycée. Selon nos informations, les policiers ont également retrouvé deux gazeuses et une tête club de golf.Vendredi soir, déjà, les policiers avaient probablement empêché une bagarre entre bandes des deux villes. Toujours selon nos informations, vers 21h10, ils ont interpellé quinze jeunes originaires de Thiais, âgés de 15 à 19 ans, qui attendaient le bus avenue de Versailles, devant le centre commercial Thiais-village. A leur arrivée, ils ont tenté de prendre la fuite et de se débarrasser d’armes diverses et variées : couteaux, marteaux, coups-de-poing américains… Placés en garde à vue au commissariat de L’Hay-les-Roses, certains d’entre eux ont confié du bout des lèvres aux enquêteurs qu’ils comptaient se rendre dans la cité Barbusse à Choisy-le-Roi. Il s’agissait, selon eux, de se venger d’une sombre histoire de séquestration. La plupart ont été relâchés sans poursuite, et quatre adolescents ont été déférés.Un plan interministérielAprès cette nouvelle rixe, le parquet de Créteil a ouvert une enquête pour homicide volontaire commis en bande organisée et tentative d’homicide volontaire commis en bande organisée. Les investigations ont été confiées à la police judiciaire du Val-de-Marne. Trois mineurs ont été interpellés et placés en garde à vue. Un premier suspect, originaire de Choisy-le-Roi, a été interpellé vers 10 heures à son domicile. Il est notamment connu de la justice « pour une série de faits de violences aggravées » qui lui valent une mise en examen dans une affaire distincte datant de 2021, a indiqué Stéphane Hardouin. Cet adolescent de 16 ans était placé sous contrôle judiciaire « avec interdiction de se rendre à Orly et à Thiais, sauf pour les besoins de sa scolarisation », a précisé le procureur. Deux autres suspects, âgés de 15 et 16 ans, ont été arrêtés, a indiqué le parquet de Créteil dans la soirée.Pour lutter contre le phénomène des bandes, le gouvernement a lancé en juin 2021 un plan interministériel qui comprend plusieurs mesures : veille sur les réseaux sociaux et sur les messageries instantanées, sensibilisation et formation des familles, développement de la médiation sociale et de la prévention spécialisée, mise en place de cellules d’échanges d’informations sur les mineurs en difficulté… Selon le ministère de l’Intérieur, contacté par 20 Minutes, le nombre de rixes entre bandes a d’ailleurs baissé de 13,4 % sur la première partie de l’année 2022. La place Beauvau en a recensé 256 entre janvier et août, essentiellement en Ile-de-France (82 %), contre 306 sur la même période l’année précédente. En revanche, leur nombre a légèrement augmenté entre septembre et octobre 2022 : 79 faits observés contre 74 sur la même période l’année précédente, soit une hausse de 6,8 %.« Ça dégénère en trois secondes »En 2020, les services du ministère de l’Intérieur avaient comptabilisé 74 bandes en France, dont 45 sur le ressort de la Préfecture de police, et 10 en Essonne. Les motifs de déclenchement des affrontements sont multiples et souvent futiles. « Ça peut être des histoires de défense d’un territoire, de stups. Mais tout peut partir aussi à cause d’un mauvais regard, d’un mauvais mot, ou d’une rivalité sentimentale. Parfois, on a du mal à cerner le point de départ », explique à 20 Minutes une source policière. Et cette dernière de conclure : « On peut tout à fait cartographier les bandes, mais on ne pourra jamais prévoir que telle ou telle personne va mal parler ou mal regarder tel autre. Et ça dégénère en trois secondes. Ça peut partir très rapidement. »Faits diversVal-de-Marne : Un adolescent mortellement poignardé devant un lycée, trois mineurs interpellés SociétéRixes entre bandes : Comment le gouvernement veut s’attaquer au problème