Devant le 119 résidence Manin, dans le 19e arrondissement de Paris, les yeux sont rougis par les pleurs. Ils sont une dizaine, ce mercredi matin, à être venus se recueillir dans le silence devant le mémorial improvisé. Sur le seuil de l’immeuble des parents de Lola, des centaines de bouquets de fleurs, de bougies, des petits mots et des peluches ont été déposés par des proches de la famille, des amis de l’adolescente ou des anonymes. Cinq jours après la découverte du corps de la collégienne de 12 ans dans une malle, à quelques centaines de mètres de là, l’émotion n’est pas retombée.Une émotion qui a largement dépassé les limites du quartier. « Hier, il y avait un homme qui habite Rouen qui est venu se recueillir », raconte Faïza, habitante de la rue Manin. Annie, elle, a traversé l’Ile-de-France pour venir. Originaire de Rueil-Malmaison, dans les Yvelines, elle a pris les transports en commun ce mercredi matin pour déposer un texte dans une enveloppe à l’intention des parents. « Je voulais venir hier, mais avec les grèves, je n’ai pas pu », justifie-t-elle. Depuis l’annonce de la découverte du corps, cette quinquagénaire est sous le choc. « Je ne suis pas bien, je pleure beaucoup, je pense à tout ce qu’elle a vécu, j’ai les images dans la tête », chuchote-t-elle, avant de s’effondrer en sanglots.« Je viens chaque matin »Peu importe d’où ils viennent, tous prennent un instant pour rendre hommage à Lola, morte dans des conditions atroces. Lors de sa garde à vue, la principale suspecte, Dahbia B. a déclaré aux enquêteurs avoir « entraîné la victime jusqu’à l’appartement de sa sœur, vivant dans le même immeuble que l’enfant », lui avoir « imposé de se doucher avant de commettre sur elle des atteintes à caractère sexuel et d’autres violences ayant entraîné la mort et qu’elle aurait dissimulé le corps dans la caisse », a détaillé la procureure de la République de Paris, Laure Beccuau, dans un communiqué de presse.Le corps de Lola, 12 ans, a été retrouvée dans une malle, le 14 octobre 2022, dans le XIXe arrondissement de Paris. – Manon Aublanc Devant le parterre de fleurs, Honoré ne peut retenir ses larmes. L’homme est un proche du père de la collégienne : « Je ne dors plus depuis trois jours, c’est ignoble. J’ai deux enfants, je me suis identifié à ses parents, je n’imagine pas ce qu’ils vivent », raconte l’homme de 76 ans, qui redoute le moment où il croisera son ami. « Si je le vois, je vais m’effondrer, je ne tiendrais pas, mais il n’a pas besoin de ça ». A quelques mètres, son mouchoir à la main, Dina rallume la bougie qu’elle a déposée samedi. Depuis quelques jours, c’est devenu un rituel pour elle. « Ce n’est pas sur mon chemin, mais depuis ce week-end, je viens chaque matin, je m’arrête quelques minutes, je rallume la bougie et je prie pour elle », explique-t-elle. Avant d’ajouter tout bas : « Quand je pense à ce qu’elle a vécu, à ces longues minutes d’horreur, j’ai des frissons ».« J’ai interdit à mon fils de sortir seul »De l’autre côté du trottoir, une voiture s’arrête en double file et met ses clignotants. Jean, 54 ans, bouquet de fleurs à la main, s’excuse auprès des autres automobilistes coincés derrière son véhicule. « Je les dépose et je repars », leur crie-t-il. « J’ai fait un détour avant d’aller au boulot, c’était important pour moi », explique-t-il, les larmes aux yeux, avant de remonter en voiture. Comme lui, certains s’arrêtent quelques secondes seulement, jettent un coup d’œil furtif, et repartent. D’autres restent de longues minutes, prostrés, les yeux fixés sur les fleurs.Pour certains parents, l’émoi a laissé place à la peur. « J’ai interdit à mon fils de 10 ans de sortir seul. Soit je viens avec lui, soit il reste à la maison, mais c’est hors de question qu’il soit dans la rue sans moi, même la journée », raconte Faïza, qui habite à quelques mètres du domicile des parents de Lola. « Mon mari, mes enfants et moi, on est complètement traumatisé », ajoute-t-elle. Malgré ses 19 ans, la fille de Dina, Sofia, ne veut pas non plus sortir seule. « Quand je dois le faire, pour acheter du pain, faire des courses ou prendre le métro, j’appelle ma mère et je reste au téléphone avec elle pour faire le chemin. Je ne me sens plus en sécurité », raconte la jeune fille.« Ça tourne en boucle dans ma tête »A un kilomètre de là, au 7 rue Pierre Girard, près du métro Laumière, la mairie a apposé un panneau « cellule d’écoute psychologique » sur les grilles de la salle polyvalente. Deux chaises ont été installées dehors pour respecter l’anonymat de riverains qui ressentiraient le besoin de parler. Depuis mardi matin, une équipe de psychologue est disponible tous les jours, de 10 heures à 17 heures. Ce dispositif de la mairie, mis en place avec la protection civile, l’AP-HP et l’Agence régionale de santé (ARS), restera en place « autant de temps que nécessaire », explique la mairie.Un détour qu’Honoré a prévu de faire dans les prochains jours. « Ça ne me fera pas de mal de parler, ça tourne en boucle dans ma tête », reconnaît-il. Faïza, elle, n’a pas prévu d’y aller, mais elle approuve l’initiative. « C’est bien que cette cellule soit mise en place, ça va aider des gens. Il faut en parler, extérioriser, que ce soit avec des proches, des amis ou des psys, mais il faut en parler », concède-t-elle.Une cellule psychologique a été ouverte par la mairie du XIXe arrondissement, au 7 rue Pierre Girard. – Manon Aublanc Une cellule psychologique a également été mise en place au collège Georges Brassens pour les élèves, les parents et le personnel de l’établissement, et dans toutes les écoles maternelles et primaires des alentours. Un hommage sera rendu prochainement dans le quartier, mais seulement « le moment venu, en fonction des souhaits de la famille », a indiqué la mairie du 19e arrondissement.Faits diversMeurtre de Lola : Ce que la principale suspecte a dit en garde à vueJusticeMeurtre de Lola : Emmanuel Macron a reçu ses parents et les a assurés de « tout son soutien »