Inoubliable pour les proches de la victimes, l’affaire Omar Raddad ne fait plus la Une mais a marqué les années 1990 par le profil de son accusé et le mystère autour de sa mise en scène. Closer revient sur cette affaire hors norme.
24 juin 1991. À Mougins, dans la cave de la villa “La Chamade” surplombant la sublime région de Cannes, les gendarmes font une découverte glaçante. Allongé de tout son long, face contre terre, le corps de Ghislaine Marchal, 65 ans, gît dans une mare de sang. La veuve fortunée de Jean-Pierre Marchal a été frappée, éventrée, égorgée, assommée à coups de chevron. Une scène de massacre digne d’un Jean-Christophe Grangé, d’autant que dans un coin de la pièce, un détail attire l’attention des enquêteurs. Sur la porte de la cave à vin, écrits avec le sang de la victime, les mots “OMAR M’A TUER”. Tout porte à croire que la victime les a inscrits dans ses derniers instants, dénonçant par elle-même son bourreau.
Cet indice de taille met aussitôt les enquêteurs sur une piste. Le 25 juin, deux jours seulement après le crime, ils interpellent et placent en garde à vue Omar Raddad, 29 ans. L’homme, d’origine marocaine, travaillait comme jardinier sur la propriété de Ghislaine Marchal. Lors de son interrogatoire, il nie sans ne jamais se contredire, expliquant avoir travaillé toute la matinée du 23 juin chez une voisine de la victime, Francine P. À l’heure du crime, fixée par l’enquête aux environs de 12h, il affirme être passé acheter du pain dans une boulangerie du Val de Mougins. Malheureusement, aucun employé de l’établissement n’est en mesure de corroborer sa version. Plus tard, il indiquera ne pas avoir eu le sentiment de pouvoir se disculper, et ne pas avoir saisi le sens de l’inscription ensanglantée en raison de son analphabétisme. “Je n’y ai reconnu qu’un mot, ‘Omar’, parce que c’est le seul que je sache écrire”, indiquera-t-il.
Controverse en France et au Maroc
Le 27 juin 1991, Omar Raddad est mis en examen et écroué. Pourtant, de nombreux éléments vont à l’encontre de la théorie des enquêteurs. D’abord, l’accusé et sa femme, Latifa Cherachini, entretenaient de très cordiaux rapports avec sa Ghislaine Marchal, qu’Omar considère même comme “une seconde mère pour lui“. Ensuite, le jardinier n’a pas été vu sur la route de “La Chamade” le jour du meurtre et sur la scène de crime, aucune trace susceptible de trahir le passage d’Omar n’est relevée par la police scientifique. Au contraire, au fil des expertises ADN, quatre ADN masculins différents sont découverts sur la scène de crime. Aucun n’appartient à Omar Raddad.
En France comme au Maroc, l’affaire Omar Raddad défraye la chronique. L’acharnement autour de l’accusé soulève une vive controverse, certains accusant le système judiciaire de ne s’en prendre à lui qu’en raison de ses origines marocaines. Pris dans le cyclone, Omar Raddad plaide son innocence. Il s’impose une grève de la faim à deux reprises, et, désespéré, tente de mettre fin à ses jours en mars 1993. Son procès s’ouvre finalement le 24 janvier 1994 devant une salle comble. Le 2 février, Omar Raddad est condamné, à l’indignation de beaucoup, à 18 ans de réclusion criminelle. Sur les marches du palais de justice, l’avocat de l’accusé, Me Jacques Vergès, prononce un discours qui restera encrée dans les mémoires : “C’est la célébration de l’anniversaire du centenaire de l’Affaire Dreyfus. Il y a cent ans, on condamnait un officier qui avait le tort d’être juif, aujourd’hui on condamne un jardinier parce qu’il a le tort d’être maghrébin.”
“Omar m’a tuer”
Le 10 mai 1996, Omar Raddad est gracié par le Président Jacques Chirac. Il est libéré deux ans plus tard, le 4 septembre 1998, mais continue encore aujourd’hui, après une demande de révision du procès rejetée en 2002, de plaider son innocence. Un film inspiré de son histoire, intitulé Omar m’a tuer et réalisé par Roschdy Zem, est sorti en juin 2011. Omar Raddad y est interprété par Sami Bouajila.