Il a été pendant quarante ans « l’exécuteur des hautes œuvres de la République ». Ou plutôt des basses œuvres car son métier, pour le moins singulier, consistait à manier la guillotine pour couper des têtes. Et des têtes, Anatole Deibler en a tranchées beaucoup dans sa carrière, 395 précisément, dont celles de criminels notoires comme Landru ou Joseph Vacher, surnommé « le tueur des bergers », et des braqueurs anarchistes de la bande à Bonnot. 83 ans après sa mort, l’un des plus célèbres et prolifiques bourreaux français refait aujourd’hui surface à l’occasion d’une exposition qui lui est consacrée jusqu’au 4 novembre au Parlement de Bretagne à Rennes et de la sortie du roman graphique Dans la peau du bourreau (Locus Solus), signé Olivier Keraval et Luc Monnerais. « On a voulu mettre en lumière ce personnage un peu perdu dans les méandres de l’histoire », souligne l’auteur rennais Olivier Keraval.Anatole Deibler, ici photographié en 1900. – Wikimedia CommonsC’est dans la capitale bretonne qu’Anatole Deibler a vu le jour le 28 novembre 1863. Son enfance n’est pas des plus heureuses, le jeune élève subissant les brimades de ses camarades de classe. Et pour cause, Anatole Deibler n’est pas issu d’une famille normale, son père et son grand-père ayant exercé comme bourreau. « Il a vu son père mourir fou et il rêvait donc d’autre chose, indique Olivier Keraval. Mais il n’a pas pu échapper à sa destinée ».Adulé par la presse de l’époqueC’est auprès de son grand-père qu’Anatole Deibler a d’ailleurs appris le métier en Algérie, assistant à 19 exécutions qu’il relate scrupuleusement dans des petits carnets. Un rituel qu’il va perpétuer quand il devient l’assistant de son père à Paris avant de lui succéder à sa mort en tant qu’exécuteur en chef de la République. Très vite, la presse de l’époque se passionne pour ce jeune bourreau alors qu’elle s’était déchaînée contre son père, jugé lent et maladroit. Tout le contraire d’Anatole Deibler, salué pour la précision de sa coupe.Anatole Deibler relatait scrupuleusement toutes ses exécutions dans des carnets. – MICHEL EULER/AP/SIPAA chacun de ses déplacements en province, le bourreau draine ainsi les foules, comme à Béthune où plusieurs milliers de personnes se sont ainsi massées au pied de l’échafaud pour assister à l’exécution des frères Pollet, « les bandits d’Hazebrouck » qui n’hésitaient pas à tuer leurs victimes. « Les médias en ont fait une star et n’ont eu de cesse de l’épier dans sa vie privée », souligne Olivier Keraval. Il est vrai qu’Anatole Deibler détonne aussi dans le paysage. Avec son allure de dandy, il incarne le bourreau moderne, à mille lieues de l’image de la brute sanguinaire.« Il détestait le côté spectacle des exécutions »Tout au long de sa carrière, il cherche aussi à montrer une image respectable du métier. « Il détestait le côté spectacle des exécutions et il a milité pour qu’elles se déroulent à l’intérieur des prisons et non sur les places publiques, souligne l’auteur. Il cherchait toujours aussi à améliorer sa vitesse de coupe ». Pour lui faciliter la tâche, certains condamnés n’hésitaient d’ailleurs pas à se faire graver une ligne en pointillé autour du cou avec l’inscription « Pour Deibler ».Certains détenus se faisaient graver une ligne en pointillé autour du cou avec l’inscription « Pour Deibler ». – Locus SolusLa carrière du bourreau, autant admiré que craint, s’achèvera finalement sur un quai du métro parisien, Deibler décédant d’une attaque le 2 février 1939 à l’âge de 76 ans. L’exécuteur en chef ne rejoindra ainsi jamais sa ville natale où il était attendu pour guillotiner Maurice Pilorgé, un délinquant qui avait tué son amant mexicain un an plus tôt à Dinard. Mais le répit du criminel sera finalement de courte durée puisqu’il sera guillotiné deux jours plus tard à Rennes.Faits diversLes grands bandits de l’Histoire: La bande à Bonnot, l’épopée sanglante des braqueurs anarchistesParisPlongée dans les faits divers parisiens: L’affaire Landru, l’un des premiers tueurs en série français