Les pesticides commercialisés en France respectent-ils tous la réglementation européenne ? Non, si on en croit plusieurs associations et parlementaires français qui ont décidé de monter au créneau. Ces derniers ont déposé, ce mercredi, une demande préalable auprès du gouvernement qui, selon eux, a mal transposé le règlement européen. Depuis 2007, celui-ci exige une évaluation complète de la toxicité des produits avant leur mise sur le marché. Ce qui ne serait pas le cas sur le territoire national.« Nous avons obtenu, le 1er octobre 2019, un arrêt de la Cour européenne de justice, applicable à l’ensemble des États membres, qui interprète ce règlement européen et qui explique la manière dont les évaluations doivent être effectuées. Il doit y avoir des évaluations sur le long terme de la toxicité et cancérogénicité de ces produits sur leur composition complète. Or, il n’y a pas d’analyses de toxicité à long terme des produits complets. Il y a une analyse européenne sur la substance active déclarée, par contre, le produit dans sa formulation complète, tel qu’il est vendu et auquel les consommateurs sont exposés, n’est jamais analysée sur le long terme », explique Guillaume Tumerelle, avocat de Secrets toxiques, une coalition de plusieurs associations œuvrant pour l’interdiction de 14 pesticides.« Effet cocktail » non évaluéPour le glyphosate par exemple, si la toxicité de la substance active a bien été évaluée dans le dossier de mise sur le marché, celle de deux de ses coformulants, et donc « l’effet cocktail » qui pourrait en découler, est nettement moins lisible selon les militants. « Pour l’un des coformulants du glyphosate, il est impossible de retrouver des données de toxicité à long terme dans les bases de données. Et pour le second, l’Autorité européenne de sécurité des aliments a réalisé une évaluation qui dit qu’il n’y a pas d’études suffisantes sur la toxicité subchronique. Il y a des insuffisances à la fois dans la méthode de calcul et dans les données disponibles. Dans ces conditions il est absolument impossible de répondre aux exigences du règlement », pointe Andy Battentier, le directeur de campagne Secrets toxiques.Il s’appuie notamment par de récentes expertises menées par l’Inserm et de l’Inrae Ifremer qui « démontrent, sur la base de milliers de publications scientifiques, l’existence de nombreux effets délétères des pesticides, tant sur la santé humaine que sur l’environnement, et cela malgré les exigences réglementaires européennes et nationales ».Depuis plusieurs années, les associations mènent un combat, notamment devant les tribunaux, contre les produits phytosanitaires. Parfois avec succès, comme en 2019, lorsque la cour administrative d’appel de Lyon a confirmé l’interdiction de commercialiser du Roundup Pro 360, un désherbant à base de glyphosate de l’entreprise Monsanto. « Car ce n’est pas seulement en dénonçant un état de fait que l’on va faire avancer les choses. On a décidé de faire porter le fer dans l’arène judiciaire pour faire valoir le droit, parce qu’il y a un certain nombre de décisions prises dans le cadre du droit européen mais qui ne sont pas respectées. C’est ce que l’on dénonce aujourd’hui », appuie François Veillerette, porte-parole de Générations futures.Si le texte français n’était pas modifié dans les deux mois par le gouvernement d’Elisabeth Borne, ou si celui-ci venait à ne pas répondre à cette demande préalable, ses signataires déposeront alors un recours devant le Conseil d’État. Ces derniers demandent à l’Etat, et à l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, d’inclure systématiquement désormais ces analyses complètes dans les dossiers de demande d’autorisation de mise sur le marché des pesticides.« L’Anses n’a de cesse de se justifier de la qualité de son travail dans le suivi des autorisations de mise sur le marché et des homologations en disant “voyez bien, on retire des autorisations au bout de 10, 15 ou 20 ans, preuve que nous faisons un travail de réévaluation pertinent”. J’appelle ça de l’évaluation de toxicité en population réelle puisque au bout de 15 ou 20 ans, quand on retire un produit lorsqu’on découvre qu’il a des effets sur la biodiversité, l’environnement, la population, c’est qu’en amont le travail n’a pas été fait. C’est juste insupportable », conclut Loïc Prud’homme (LFI-Nupes), l’un des députés engagés dans cette bataille juridique.PlanètePesticides : L’eau du robinet de 20% des Français est non conformePlanètePesticides : Des associations vont attaquer les nouvelles chartes