La mission d’inspection estime notamment que le surveillant a fait preuve d’un “net défaut de vigilance” et que les images de vidéosurveillance ont été mal exploitées pendant l’agression.
Le rapport portant sur l’agression mortelle en mars de l’indépendantiste corse Yvan Colonna alors qu’il était incarcéré à la prison d’Arles, dans les Bouches-du-Rhône, conclut jeudi à des “manquements” de la part de l’ancienne directrice et du surveillant présent sur les lieux. Tous deux vont faire l’objet de “procédures disciplinaires”.
“Les faits du 2 mars 2022 révèlent les limites d’un dispositif de sécurité des activités, qui ne repose que sur la seule vigilance d’un agent exerçant une surveillance aléatoire et qui se prive de l’apport du système de vidéosurveillance”, déplore le rapport.
Yvan Colonna avait été violemment agressé le 2 mars dernier par un co-détenu de la maison centrale d’arrêt d’Arles. Il était mort de ses blessures après trois semaines de coma.
Selon les conclusions de l’Inspection générale de la Justice, le surveillant en charge des activités, présent sur place au moment de la mort de l’indépendantiste, a fait preuve d’un “net défaut de vigilance”.
Chargé de l’aile où se trouvait Yvan Colonna, il serait “resté, sans aucun motif, éloigné du couloir menant au lieu des faits”, déplore le rapport qui met en cause une forme de “routine conjuguée à une proximité avec les protagonistes”. Ces deux éléments ne lui auraient pas permis de réaliser son travail correctement.
Par ailleurs, les conclusions de l’enquête pointent du doigt une “mauvaise exploitation des images des caméras de vidéosurveillance”, ainsi qu’un “défaut de maîtrise de ce dispositif par l’agent” chargé de la surveillance vidéo au moment de l’agression d’Yvan Colonna.
La mission d’inspection estime que l’emploi des caméras de vidéosurveillance s’est faite de façon “parcellaire” et que les images ont été essentiellement utilisées “post incident”, plutôt qu’au moment des faits.
En raison d’un dispositif défaillant, “l’agent du PIC au bâtiment dans lequel s’est déroulée l’agression n’a pas disposé des images qui lui auraient permis de donner l’alerte dès le début de l’agression d’Yvan Colonna”, estime le rapport.
L’enquête déplore également que le meurtrier de l’ancien indépendantiste corse, Franck Elong Abé, ait été maintenu en “détention ordinaire” et n’ait jamais été orienté vers un quartier d’évaluation de la radicalisation (QER) depuis son arrivée dans l’établissement en 2019. Le Camerounais de 36 ans purgeait pourtant plusieurs peines dont l’une de neuf ans de prison pour “association de malfaiteurs terroriste”.
Ce défaut de réorientation du détenu est dénoncé par la mission inspection qui y voit l’illustration de “l’insuffisance du management” mené par Corinne Puglierini, cheffe d’établissement jusqu’à 10 jours avant l’agression, ainsi que son absence de “gestion appropriée” de l’homme incarcéré.
Lors de son audition par la commission des lois de l’Assemblée nationale, le 30 mars, Corinne Puglierini avait assuré que le “comportement” du détenu à son arrivée à Arles “ne permettait pas une évaluation au QER” car il n’était pas “en capacité de participer à cette évaluation”.
Elle avait toutefois fait état ensuite d’une évolution positive, qui avait justifié qu’on lui accorde en septembre 2021 un poste d'”auxiliaire” pour faire le ménage dans les salles de sport de la prison.
“Les responsabilités individuelles des surveillants ne sauraient masquer celle, fondamentale, du pouvoir politique qui a délibérément empêché Yvan Colonna de purger sa peine près de chez lui, en violation des règles pénitentiaires, par vengeance d’État”, a réagi jeudi Emmanuel Mercinier-Pantalacci, l’un des avocats de l’indépendantiste.
Le député nationaliste de Haute-Corse Jean-Félix Acquaviva a par ailleurs annoncé jeudi une prochaine “commission d’enquête” parlementaire pour “faire la lumière sur les dysfonctionnements” ayant mené à la mort d’Yvan Colonna.
La Première ministre a “décidé de suivre l’intégralité des recommandations” du rapport, a fait savoir Matignon. Élisabeth Borne demandera notamment au ministre de la Justice “une mission d’inspection sur l’évaluation des quartiers d’évaluation et de prise en charge de la radicalisation” (QER), dispositif déployé il y a cinq ans dont “il apparaît nécessaire de dresser un bilan”.