L’inspection de la Justice a été saisie pour faire la lumière sur les circonstances de la mort d’Yvan Colonna, tué par un co-détenu alors qu’il se trouvait seul dans une cellule de la prison d’Arles.
Pourquoi Yvan Colonna, détenu particulièrement signalé, est resté seul pendant 10 minutes dans la salle de sport de la prison d’Arles permettant à Franck Elong Abé de l’agresser sauvagement? Pourquoi la porte de cette salle est restée fermée sans que personne ne s’en inquiète? Pourquoi aucun surveillant n’accompagnait Yvan Colonna ou ne regardait les images de la vidéosurveillance? Comment son agresseur considéré comme dangereux et au parcours en détention semé de violences a-t-il pu obtenir le statut d'”auxiliaire”?
Autant de questions qui ont été posé à l’Inspection générale de la Justice qui a rendu ce jeudi son rapport à la Première ministre visant à éclaircir les circonstances de l’agression mortelle d’Yvan Colonna le 2 mars dernier. Un pré-rapport avait été établi en avril dernier, mais le gouvernement avait réclamé à l’Inspection, composée notamment de magistrats et de membres de l’Administration pénitentiaire, des compléments d’information sur certains points.
Le 2 mars dernier, Yvan Colonna, qui se trouvait seul dans une salle de musculation de la prison d’Arles, a été violemment agressé par un détenu, Franck Elong Abé. Le militant corse, condamné à la réclusion criminelle à perpétuité pour l’assassinat du préfet Erignac en 1998, a été frappé, étranglé puis étouffé. Son agresseur avait ensuite prévenu les surveillants qu’Yvan Colonna avait fait un “malaise”. Il est décédé le 21 mars des suites de ses blessures.
Les circonstances de cette agression ont provoqué une vive polémique, notamment pour savoir comment deux détenus particulièrement surveillés ont-ils pu rester seuls, sans surveillance. “Ce n’est pas une anomalie, c’est l’antithèse des propres règles que l’administration a elle-même établie, estime Me Sylvain Cormier, l’avocat de la famille d’Yvan Colonna. Il y a eu une accumulation énorme de non-respect des règles sur lesquelles l’administration est pourtant inflexible.”
Au lendemain de l’agression, le gouvernement avait demandé un rapport à l’Inspection générale de la Justice. Jeudi, le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, avait annoncé la remise de ce rapport à l’issue de la première réunion du comité stratégique sur l’avenir de la Corse. Rapport qui a été récupéré depuis par le cabinet de la Première ministre.
Élisabeth Borne a confirmé jeudi que le rapport sera bien rendu public, mais que des noms confidentiels doivent être retirés avant publication.
“Je vous confirme qu’on a bien reçu ce rapport […] Et puis je vous confirme également que conformément à l’engagement qui avait été pris, il sera rendu public. Comme il pointe des responsabilités individuelles qui feront l’objet de sanctions individuelles, on doit prendre un petit moment pour ne pas faire apparaître les noms des personnes concernées”, indique la Première ministre.
“Des sanctions seront prises suite à ce dramatique événement”, ajoute également Élisabeth Borne après la lecture de ce rapport, sans en détailler la nature.
La publication de ce rapport est attendue par l’avocat de la famille d’Yvan Colonna, qui se bat pour faire la lumière sur l’agression dont a été victime le militant indépendantiste. Il y a quelques semaines, Me Cormier avait fait une demande d’acte auprès du juge d’instruction en charge de l’enquête sur la mort du détenu. Ils y demandaient que le rapport soit versé au dossier d’instruction afin que les juges et les parties puissent y avoir accès.
“Ce rapport peut compléter l’instruction, insiste Me Sylvain Cormier. Le magistrat a fait droit à notre demande et va demander à recevoir le pré-rapport et le rapport final.”
Dans le même temps, les députés nationalistes corses, soutenus par six collègues de l’Assemblée nationale, ont déposé une proposition de résolution pour demander la création d’une commission d’enquête parlementaire. Le but, comprendre comment Franck Elong Abé a pu, au vu de son passif, et de son profil, “exercer la fonction d’auxiliaire de service rémunéré”, et “se retrouver sans surveillance en présence d’un autre détenu, frappé du statut de détenu particulièrement surveillé”.
La commission des lois de l’Assemblée nationale a déjà auditionné le directeur de la prison d’Arles, Marc Ollier. Il avait qualifié cette agression de “dégueulasse”. Questionné sur le statut d’auxiliaire de Franck Elong Abé, Marc Ollier avait indiqué que le détenu se comportait correctement depuis plusieurs mois et que sa demande de travail avait alors été acceptée. Un travail pour lequel il “s’appliquait”.