Le petit garçon avait disparu en juin 1983, à l’âge de 10 ans, à Peyroules. L’ouverture, en mars, du pôle “cold case” de Nanterre, redonne un nouvel élan à cette affaire.
C’est une image qui est restée gravée dans la mémoire de ceux qui l’ont vu pour la dernière fois, ce 25 juin 1983: Mathieu Haulbert, coiffé d’un chapeau blanc, s’en allant vers le col de Luens en marchant au bord de la route nationale 85, à Peyroules, dans les Alpes-de-Haute-Provence. Alors âgé de 10 ans, le petit garçon n’a depuis plus donné signe de vie.
Près de quarante ans plus tard, la justice décide cependant de donner un nouveau souffle à ce dossier marqué par les lenteurs de l’enquête et les fausses pistes. C’est plus précisément l’ouverture du pôle “cold case” qui a permis à l’espoir de renaître chez les proches de Mathieu Haulbert, le parquet de Nanterre ayant décidé de reprendre les investigations.
“On a été tellement trimballés par l’institution judiciaire qu’il y a aujourd’hui un espoir d’avoir enfin une réponse dans ce dossier repris par des juges volontaires”, commente l’avocat de la famille de Mathieu, Me Didier Seban, auprès de BFMTV.com.
Ce devait être sa première transhumance. Le 25 juin 1983, vers midi, un berger de Peyroules indique aux parents de Mathieu qu’il compte amener ses moutons jusqu’à Castellanne dans l’après-midi. Le petit garçon, qui souhaitait faire ce chemin avec lui, peut donc l’accompagner.
Mais le van des parents fait des siennes et refuse de démarrer. Une solution est trouvée: Mathieu peut rejoindre le berger à pied, à environ deux kilomètres, en longeant la route Napoléon jusqu’au col de Luens. Un point que le petit garçon n’atteindra cependant jamais, comme le confirmera le berger aux parents s’inquiétant de ne pas voir leur fils revenir, le soir.
Dès le début, l’enquête patine. Les parents de Mathieu prennent alors les devants, collent des milliers d’affiches par eux-mêmes. Ils créent même une association, “SOS – Enfants disparus”, pointant du doigt le délai de trois semaines que doivent alors respecter les enquêteurs avant de diffuser un appel à témoins à l’échelle nationale.
Au cours des mois qui suivent la disparition, des éléments et témoignages troublants font jour. Deux Cannoises disent notamment avoir aperçu le petit garçon en compagnie d’un homme. Mais l’information ne donne finalement rien.
Plus intrigant encore: les parents de Mathieu reçoivent un jour un étrange appel. Dans le combiné, une voix souffle “Allô ici c’est Mathieu”, avant que la communication ne soit coupée. Mais rien n’y fait: les enquêteurs rechignent à mener les actes d’enquête nécessaires.
“Quand on en parle aux gendarmes, tout ce qu’ils trouvent à dire, c’est qu’on est un peu excités”, s’est récemment confiée, dans La Provence, la mère du petit garçon.
Au dossier figurera tout de même un suspect. Huit ans après la disparition de Mathieu Haulbert, Christophe Maréchal, un habitant de Peyroules, revient sur ses premières déclarations: alors qu’il disait, en 1983, avoir passé l’après-midi avec Georges Laugier, un autre riverain, pour jouer à la pétanque, il indique finalement qu’il n’en est rien. Son ami, raconte-t-il, lui a demandé de lui trouver un alibi alors que les enquêteurs commençaient leurs investigations.
Révélations inespérées qui réveilleront un dossier au point mort, fournissant un coupable potentiel aux agissements troubles, d’autant que le profil de Georges Laugier, un célibataire “type homme des cavernes”, comme le décrira un enquêteur, interroge.
Placé en détention provisoire en mai 1988, Georges Laugier tentera de mettre fin à ses jours le mois suivant. Il n’échappera pourtant pas à un procès, en 1992. Cependant, les différentes parties le reconnaissent, les charges sont trop faibles contre lui: l’accusation ne reposant que sur le faux alibi, celui qui était surnommé “Tarzan” finira par être acquitté, laissant l’affaire sombrer sous une pile d’autres dossiers entassés sur le bureau des juges.
“Les affaires de disparition sont souvent les plus difficile car il n’y a pas de scène de crime, aucun élément scientifique à exploiter. Et quand la justice est en échec, le dossier est un peu laissé de côté”, commente Me Didier Seban.
Pourtant, d’autres pistes peuvent encore être explorées. C’est ce que l’avocat a tenu à montrer aux juges pour obtenir que le dossier ne soit pas refermé, alors qu’il était en passe de l’être. “On ne peut pas travailler sur ce dossier sans le mettre en perspective avec d’autres disparitions d’enfants”, martèle-t-il.
C’est justement l’une des méthodes sur lesquelles s’appuient à présent les enquêteurs chargés par le pôle “cold case” de reprendre les investigations: rapprocher les affaires non résolues d’affaires similaires pour tenter d’établir des liens avec de potentiels suspects.
Dans le cas de la disparition de Mathieu Haulbert, Me Didier Seban a notamment souligné qu’un lien pouvait être fait avec les disparus de l’Isère, neuf affaires de disparitions ou de meurtres d’enfants survenues dans le département entre 1980 et 1996. “Le rapprochement n’avait jamais été fait. Mais la région n’est pas si lointaine”, explique l’avocat.
“Je n’ai aucun espoir de vie, seulement celui de retrouver son corps et connaître la vérité. On a du mal à imaginer qu’il se soit volatilisé”, confient, auprès de La Provence, les parents de Mathieu Haulbert, qui ne se sont jamais résolus à quitter leur maison de Peyroules.