Entre absence de confiance en la justice et volonté de se tourner vers l’avenir, les 14 accusés dans le procès des attentats du 13-Novembre ont tous décidé de ne pas faire appel de leur condamnation.
Les 14 accusés jugés par la cour d’assises spéciale pour les attentats du 13-Novembre avaient jusqu’à lundi minuit pour faire appel de leur condamnation, et ainsi s’engager dans un nouveau procès. Un choix âprement discuté avec leurs avocats depuis le 29 juin dernier, date de l’énoncé du verdict, puisque quelques heures encore avant cette date butoir, pour certains, la décision n’était pas encore prise.
Salah Abdeslam, Mohamed Abrini, Mohamed Amri, Yassine Atar, Hamza Attou, Sofien Ayari, Mohamed Bakkali, Abdellah Chouaa, Ali El Haddad Asufi, Adel Haddadi, Farid Kharkhach, Osama Krayem, Ali Oulkadi et Muhammad Usman ne font pas appel de leur condamnation. Des peines, qui deviennent définitives, de deux ans d’emprisonnement à la réclusion criminelle à perpétuité incompressible ont été prononcées par la cour d’assises spéciale. Il n’y aura pas de second procès des attentats du 13-Novembre.
“Il y a bien des raisons pour lesquelles nous aurions pu interjeter appel, il y a eu une longue hésitation”, reconnaît aurpès de BFMTV.com Me Adrien Sorrentino, l’avocat d’Abdellah Chouaa.
Contactés, plusieurs avocats estiment qu’il y avait des raisons pour lesquels leur client aurait pu faire appel de leur condamnation, à commencer par Me Olivia Ronen et Me Martin Vettes, les conseils de Salah Abdeslam, qui avaient plaidé contre la réclusion criminelle à perpétuité incompressible dénonçant “une peine de mort sociale”. “Ses avocats sont liés par son choix”, écrivent-ils dans un communiqué publié sur Twitter. “Si une telle peine est inacceptable, nous respectons la décision de celui que nous assistons.”
Et de trancher: “Il n’y a pas d’honneur à condamner un vaincu au désespoir.”
S’ils ne font pas appel, pour autant, les 14 hommes ne reconnaissent pas les faits pour lesquels la justice les a reconnus coupables. “Les motivations de la cour empêchent Yassine Atar d’avoir confiance en la justice”, estime Me Raphaël Kempf. Son client a été condamné à huit ans d’emprisonnement assortis d’une période de sûreté au deux tiers pour “association de malfaiteurs terroriste”, notamment pour des contacts avec les frères El Bakraoui, kamikazes de Bruxelles et membres de la cellule terroriste qui a frappé Paris. Me Kempf déplore que la justice “n’a pas tenu compte des explications solides” apportées par son client.
“La cour préfère supposer qu’il a participé à l’organisation des attentats, poursuit-il. Si tel était le cas, une peine de 8 ans est évidemment insuffisante. Yassine Atar s’est vu demander de prouver son innocence, contrairement aux principes du droit. Dans ces conditions, il ne peut faire confiance dans un nouveau procès en appel.”
Les avocats d’Hamza Attou, d’Abdellah Chouaa et d’Ali Oulkadi dénoncent, dans un communiqué, eux-aussi le manque de confiance de leur client envers la justice alors qu’ils ont été condamnés à “des peines habituellement prononcées en audience de comparution immédiate pour des infractions de droit commun”. “Que valent un ou deux ans d’emprisonnement comparés à l’infamie que recèlent de telles déclarations de culpabilité?”, s’interrogent les avocats qui avaient plaidé la relaxe des trois hommes qui “ignoraient pourtant tout” des attentats.
Hamza Attou, Abdellah Chouaa et Ali Oulkadi, condamnés respectivement à quatre ans d’emprisonnement, quatre ans dont trois avec sursis et cinq ans dont trois avec sursis, ont comparu libres. Aucun mandat de dépôt n’a été prononcé à leur encontre. Ils ont donc pu regagner leur domicile à l’issue du procès. Ali El Haddad Asufi, reconnu coupable d’avoir recherché des armes pour la cellule terroriste, a écopé de 10 ans de prison, avec deux tiers de sûreté. Une peine inférieure aux 16 ans d’emprisonnement avait été requis à son encontre par le parquet antiterroriste.
“Abdellah Chouaa a envie de tourner la page de cette épreuve judiciaire, explique Me Adrien Sorrentino. Il demeure un ennemi du terrorisme qu’il a dénoncé à deux reprises pour avoir signalé deux fois des départs de proches vers la Syrie. Il n’a plus envie de compromettre son honneur face à une justice qui a été sourde. Il souhaite se consacrer à sa famille, sans couper les liens créés avec les parties civiles.”
L’absence d’emprisonnement ou la possibilité de retrouver la liberté sont aussi des éléments qui expliquent pourquoi ces hommes ne souhaitent pas être rejugés à Paris. Mohamed Amri a été condamné à huit ans d’emprisonnement pour avoir été récupérer Salah Abdeslam au soir des attentats en France. Après avoir passé six ans et demi en détention provisoire, ne pas faire appel signifie pour lui une libération ce mardi, souligne son avocate Me Negar Haeri.
“Les conditions de détention ont dissuadé mon client d’exercer ce droit (à faire appel, NDLR), note Me Raphaël Kempf. Il est détenu depuis plus de six ans dans des conditions infectes, faire appel prolonge cette détention provisoire en France.” Yassine Attar va être prochainement transféré en Belgique, “où il sera proche de sa famille”. En l’absence d’appel, Mohamed Abrini va lui être transféré très prochainement vers Bruxelles, selon son avocate Me Marie Violleau.
Celui qui a été surnommé “l’homme au chapeau” après avoir été filmé portant un bob lors de l’attentat de l’aéroport de Zaventem va désormais affronter la justice belge qui va juger à partir du 10 octobre les attentats qui ont eu lieu sur son territoire en mars 2016. Condamné à la réclusion criminelle à perpétuité assortie d’une période de sûreté de 22 ans en France, il souhaite désormais se concentrer sur sa défense.