Le procureur général a requis six mois de prison avec sursis à l’encontre de l’imam Mohamed Tataiat, jugé en appel à Toulouse pour incitation “à la violence ou haine raciale”, après un prêche de 2017 diffusé sur les réseaux sociaux.
A l’audience, les débats se sont largement concentrés sur un hadith (parole du prophète Mahomet) inclus par Mohamed Tataiat, 59 ans, dans son prêche du 15 décembre 2017 à la mosquée du quartier populaire d’Empalot, à Toulouse.
Pour le procureur général près la cour d’appel de Toulouse, Franck Rastoul, “on ne peut citer un texte religieux dans un contexte et dans des circonstances telles (…) que cette citation instille dans des esprits fragiles, peu éclairés, des pulsions de haine, des pulsions de passage à l’acte”.
Outre les six mois de prison, il a demandé que M. Tataiat, dont il a par ailleurs regretté la “mauvaise foi”, soit condamné 10.000 à euros d’amende.
En première instance, le tribunal correctionnel de Toulouse avait relaxé l’imam, affirmant ne pas retrouver “de volonté de provoquer à la haine” dans ses propos. Le parquet, qui avait déjà requis six mois de prison avec sursis, avait aussitôt fait appel.
Ce prêche a été prononcé dans un contexte de tension entre Palestiniens et Israéliens, peu après l’annonce par l’ancien président américain Donald Trump de son intention de transférer l’ambassade des États-Unis de Tel-Aviv à Jérusalem, a-t-il été rappelé plusieurs fois au cours de l’audience.
Selon le texte traduit lors de l’enquête, l’imam cite un hadith proclamant: “le jour du jugement ne parviendra que quand les musulmans combattront les juifs, le juif se cachera derrière l’arbre et la pierre, et l’arbre et la pierre diront: +Oh musulman, oh serviteur de Dieu, il y a un juif derrière moi, viens et tue-le, sauf Algharqada, qui est l’un des arbres des juifs+”.
S’exprimant en arabe par l’intermédiaire d’un interprète, l’imam algérien, qui vit en France depuis 1985, a assuré lundi que son prêche “n’invitait pas les musulmans à combattre les juifs ou les Israéliens”.
Selon lui, ce hadith constituait au contraire un “avertissement” aux musulmans pour qu’ils “ne participent pas au mouvement qui amène à cette fin tragique”.
Muriel Ouaknine-Melki, avocate du Bureau national de vigilance contre l’antisémitisme, l’une des associations parties civiles, estime aussi que les paroles de M. Tataiat peuvent être à l’origine de passages à l’acte violents.
Elle a souligné que Mohamed Merah, responsable de la mort de sept personnes en 2012 à Toulouse, affirmait “avoir voulu venger les enfants palestiniens”.
Il est donc important de “rappeler les limites qu’impose la loi” aux propos tenus publiquement, selon elle.
En revanche, pour Me Jean Iglesis, l’un des deux avocats de la défense, avec Me William Bourdon, il ne faut pas “accepter une ingérence du juge judiciaire” qui aboutirait à un “contrôle des prêches”.
Selon lui, le prêche de M. Tataiat contient une “critique violente à l’égard de l’État d’Israël”, mais ne constitue en aucun cas “une incitation à tuer des juifs”.
Et les propos de M. Tataiat, bien que probablement “imprudents”, “n’ont pas vocation a être criminalisés, sauf à ouvrir une boîte de Pandore”, a martelé Me Bourdon à l’audience.
Près d’une dizaine d’associations se sont portées partie civile dont la Licra, le Crif, SOS racisme ou l’Alliance générale contre le racisme et pour le respect de l’identité française et chrétienne (Agrif, proche des catholiques intégristes).
La décision de la cour d’appel de Toulouse a été mise en délibéré au 31 août.