Soutenu par ses salariés, le directeur d’un supermarché Lidl à Joigny, dans l’Yonne, a entamé ce mercredi une grève de la faim après avoir été licencié pour avoir tardé à rembourser des produits qu’il avait pris dans un magasin.
Je ne vais pas me rendre voleur pour 89 euros», a déclaré Abdelkarim Handichi, installé sur un petit matelas devant le supermarché, sous une pancarte installée par les salariés, où on pouvait lire : «Notre directeur en grève de la faim».
Lundi, les 21 employés du magasin ont entamé une grève pour soutenir leur responsable. Ils étaient encore sept, mercredi, à ne pas avoir repris le travail. Le magasin est cependant resté ouvert, du personnel venu de l’extérieur ayant été appelé pour assurer le service.
Le 28 février, Abdelkarim Handichi, avait été appelé en renfort dans un magasin parisien. Il y prend quatre produits pour son usage personnel, pour une valeur de près de 90 euros, mais, en l’absence de moyen de paiement, signe un «transfert» qui lui permet de payer ces articles à Joigny, plus tard.
«Le tort que je reconnais, c’est que j’avais dit à mon responsable le lundi soir — mardi je paie», déclare ce jeune cadre de trente ans, «mais j’ai oublié de le faire. Maintenant, à un moment donné, il faut aussi se faire confiance. Je suis directeur de magasin, j’ai un très bon salaire, j’ai une voiture de fonction, je ne vais pas me rendre voleur pour 89 euros».
Début avril, son responsable l’informe qu’il est mis à pied pour cinq jours. Mais, dans un courrier reçu mardi 19 avril, Abdelkarim Handichi apprend son licenciement «pour cause réelle et sérieuse».
«Comment se fait-il qu’un responsable puisse annoncer une sanction après l’entretien et la changer quelques jours après», a déclaré Mohamed Sylla, représentant régional du syndicat UNSA. «Et sur le fond, comment peut-on licencier une personne pour si peu? Ce sont des dérives managériales que nous dénonçons», a-t-il ajouté.
Soutien au patron
«Lundi et mardi, tous les salariés se sont mis en grève pour soutenir leur directeur. En quinze ans de syndicalisme, je n’ai jamais vu cela, c’est une première», a-t-il observé.
Lidl n’entend pas revenir sur sa décisionMohamed Sylla estime que le dialogue social au sein de Lidl s’était amélioré depuis un reportage de Cash Investigation sur France 2, en 2017, qui dénonçait le management brutal dans cette enseigne. Mais des problèmes persistent, selon lui, dans la zone de rattachement du magasin de Joigny, qui comprend les magasins de Paris, de l’Essonne et du Val-de-Marne.
Mardi, un directeur des ressources humaines s’est déplacé à Joigny, mais sans rencontrer le directeur, déplore M. Handichi. «C’est dommageable, j’aurais aimé avoir un entretien pour comprendre pourquoi la sanction a changé. C’est dommage de casser tout le travail que j’ai fait ici pour une erreur de procédure», a-t-il ajouté.
«Cette sanction a été prise sur la base de fautes commises et établies pour lesquelles nous disposons d’éléments factuels et solides», a réagi dans un communiqué Lidl, qui «n’entend pas revenir sur sa décision».