Au procès des attentats du 13 novembre, des victimes ont raconté leur « rencontre avec la mort » lors du carnage commis au Carillon, l’un des bars visés par les commandos djihadistes.
« Il n’y a rien qui fait sens » : au procès des attentats du 13 novembre, des victimes ont raconté mercredi leur « rencontre avec la mort » lors du carnage commis au Carillon, l’un des bars visés par les commandos djihadistes.
Florian, étudiant de 24 ans
Ce soir du 13 novembre 2015, Florian, alors étudiant de 24 ans, rejoint trois amis dans ce bar du Xe arrondissement de Paris, « un lieu très anodin, pas très joli, les stores abîmés, et très cosmopolite », tient à préciser le jeune homme, joues rosies et bras croisés devant le pupitre.
« Je ne sais pas pourquoi j’ai pensé ça, mais en entrant dans le bar je me suis dit : il ne nous arrivera rien ici ce soir », confie Florian, la voix gorgée d’émotion face à la cour d’assises spéciale.
« Vers 21H25, c’est la déflagration ». Longiligne silhouette à la barre, Florian s’arrête un moment, se frotte le nez, puis reprend son récit : « Il faut bien se rendre compte que c’est extrêmement bruyant des armes automatiques », des « tirs en rafale » qui « ne s’arrêtent pas ».
« Très vite », l’étudiant comprend que ce ne sont pas des « pétards », il se « jette à terre », se cache derrière « un radiateur ou un piano », il se souvient juste qu’il « dépasse » et s’angoisse d’être « très mal caché ».
« J’allais me prendre une balle, c’était une évidence, donc je l’attendais », se rappelle-t-il. « À un moment ça s’arrête. J’ai ouvert les yeux, je me suis dit il y a un miracle ».
Un sentiment de courte durée
En levant la tête vers la rue, il voit « un assaillant, un homme de (son) âge, une arme à la main, extrêmement calme ». Il ne rentre pas « finir le travail » dans le restaurant mais continue à tirer à l’extérieur, « il achevait des gens je pense », dit Florian, aujourd’hui avocat.
Une portière claque, la voiture démarre. « Là, il y a un silence de mort de trente secondes », dans le bar « ça sent la poudre et ça sent le sang, très fort ». Puis viennent « les premiers cris, des cris de douleur absolument atroces », raconte Florian, qui « patauge dans le sang » et tente de « panser les plaies » des blessés.
« Rencontrer la mort, c’est une expérience qui isole beaucoup », souligne le témoin, ajoutant pudiquement avoir « eu besoin d’un peu d’aide pour comprendre ce qui s’était passé ». Mais « il n’y a rien qui fait sens » dans ces attentats, lâche Florian, « content » d’avoir pu témoigner, sans « esprit de vengeance ».
Olivier, blessé d’une balle
Blessé d’une balle dans le bras à la terrasse du Carillon, Olivier lui n’est pas face à la cour « de gaieté de cœur ». « Je n’avais pas envie de venir », dit-il. Mais il le doit notamment à « Sébastien, qui est mort de sept balles dans le corps », annonce-t-il.
Depuis le début du procès, « on entend cent balles tirées, six balles tirées, mais on ne sait pas ce que ça fait », s’énerve-t-il. Il tend son bras sur le côté, mime une arme, hurle dans le micro à le faire saturer : « Boum, boum, boum, boum, boum, boum, boum ».
La salle d’audience est saisie.
« Voilà ça fait ça sept balles. Ça détruit quelqu’un. Il a fallu quatre jours pour reconstituer son corps ».
Salah Abdeslam « n’est rien d’autre qu’une petite racaille »
S’en prenant aux combattants « de pacotille », « aux cerveaux grillés par le cannabis », Olivier ajoute un mot, en référence au principal des accusés présents dans le box, le seul membre encore en vie des commandos. « Salah Abdeslam, qui se fait passer pour un guerrier, n’est rien d’autre qu’une petite racaille. Moi j’ai vu faire son frère, il a tiré sur des gamines de 20 ans, elles étaient sans défense ».
À la fin de sa déposition, les avocats de Salah Abdelslam protestent. « Je sais qu’il y a de l’émotion, de la souffrance, mais j’ai énormément de mal à laisser passer les insultes, les invectives », s’agace Olivia Ronen.
« Il n’y en a pas eu », rétorque l’avocat d’Oliver. Le deuxième avocat de Salah Abdeslam, Martin Vettes, se lève : « Minable petit démon, racaille, ce ne sont pas des insultes ? ».
Le président intervient, menace de suspendre l’audience, rappelle que le principal accusé a largement eu la parole – « il a dit : ces terroristes, ce sont mes frères », rappelle Jean-Louis Périès. « Qu’il modère lui aussi ses propos envers les parties civiles ».