Le tribunal de Bobigny a relaxé aujourd’hui un policier qui avait publiquement qualifié de “violeur” et “repris de justice” Adama Traoré, jeune homme noir mort en 2016 après son interpellation par des gendarmes dans le Val-d’Oise.
En droit, seuls les héritiers légaux sont légitimes à intenter une action en justice pour injure ou diffamation à la mémoire des morts, a d’emblée rappelé le tribunal dans sa décision lue à l’audience.
Or le policier “ne s’adresse (pas) à un quelconque héritier d’Adama Traoré” et ne pouvait supposer que ses propos étaient filmés et seraient diffusés, a-t-il estimé, précisant que les documents transmis par la famille du jeune homme décédé à 24 ans étaient “insuffisants” à établir leur lien d’héritiers.
Le tribunal a également jugé qu'”aussi contestables” soient les propos tenus par ce fonctionnaire de 45 ans au regard de la déontologie, “l’intention de nuire n’est pas établie”.
Présente sur place, Assa Traoré, emblème de la lutte contre les violences policières depuis la mort de son frère, n’a pas souhaité commenter cette décision dans l’immédiat.
À l’audience du 15 avril, le procureur Loïc Pageot s’était interrogé sur la recevabilité de la plainte pour ces mêmes motifs.
Il avait toutefois requis une amende de 1 000 euros avec sursis à l’encontre du policier, lui reprochant de n’avoir “pas respecté son devoir de réserve”.
Le 22 juillet 2017, ce fonctionnaire en poste sur le réseau ferroviaire francilien avait été pris à partie par une demi-douzaine de militants du collectif “Justice pour Adama” alors qu’il contrôlait un passager voyageant sans titre de transport.
Une des militantes, qui se rendait à une marche blanche à Beaumont-sur-Oise en mémoire du jeune homme, lui avait alors demandé s’il savait pourquoi elle était à bord. Il avait répondu par l’affirmative, en qualifiant Adama Traoré de “repris de justice” et de “violeur”.
La scène, filmée, avait été diffusée sur les réseaux sociaux.
En mai 2016, un ancien codétenu avait porté plainte contre Adama Traoré pour agressions sexuelles. L’enquête a été classée sans suites à la mort du jeune homme et ne s’est donc pas prononcée sur ces accusations.
En mars 2020, la Commission d’indemnisation des victimes d’infractions (CIVI) de Pontoise a indemnisé cet ancien codétenu pour le préjudice subi. Dans sa décision, elle n’a toutefois pas abordé la question de l’auteur du préjudice qu’elle a réparé.
Sa famille a toujours nié ces accusations et porté plainte contre ceux qui les ont relayées publiquement.