A l’approche du premier procès de Nordahl Lelandais, jugé pour le meurtre du caporal Arthur Noyer en 2017, la tension est palpable au palais de justice de Chambéry, qui n’a jamais abrité de procès aussi retentissant.
Le voeu, répété, d’un procès «digne et exemplaire» a conduit la juridiction savoyarde à déployer des moyens conséquents.
Trois magistrats aguerris pour composer la cour, plus une juge supplémentaire en cas de défaillance, deux représentantes du ministère public, dont la cheffe du parquet général, deux greffières et deux semaines d’audience quand il en faut moins d’une, habituellement, pour juger un dossier de ce type.
Pourtant, l’affaire est juridiquement simple. «C’est une montagne qui va accoucher d’une souris», estime une source proche du dossier. «On risque d’être déçu», considère une autre.
Reste que l’écho médiatique du dossier, du fait de son imbrication avec l’affaire Maëlys De Auraujo, a contraint la juridiction à un changement d’échelle. Non sans une pointe d’inquiétude, concède Nathalie Hermitte, magistrate chargée de la communication.
Une forte présence policière est prévue, dans le palais comme à l’extérieur, a prévenu la cour.
Les craintes ne portent pas sur Lelandais lui-même, qui sera étroitement surveillé alors qu’aucun incident n’a émaillé sa détention, mais sur d’éventuels débordements autour d’un procès susceptible d’échauffer les esprits.
Dès les premiers jours qui ont suivi la disparition de Maëlys, le premier avocat de Lelandais, Me Bernard Méraud, a fait l’objet d’un «certain nombre» de menaces. Mais il a voulu faire face. «Je ne voulais pas laisser la populace crier +Haro sur le baudet+», explique-t-il à l’AFP.
Me Alain Jakubowicz, qui a repris la défense de l’accusé, a lui aussi essuyé son lot de menaces et d’insultes, très nombreuses sur les réseaux sociaux encore ces derniers mois et dans «une dizaine de lettres».
La famille de Lelandais, en particulier son frère, insulté et frappé, a aussi fait les frais de cette forte médiatisation. Ce dernier a même demandé à changer de nom.
Du côté du ministère public, on s’inquiète également du vif intérêt médiatique. «On s’est tous dit que c’était trop», affirme Marianne Thirard, vice-procureure qui a suivi l’affaire depuis le départ et qui participera au procès.
«Ça me heurte de savoir qu’on a été abreuvés de reportages sur cette affaire. Nous, professionnels, nous sommes capables de prendre du recul. Mais les jurés ?», s’interroge-t-elle, en rappelant que tout accusé, jusqu’au prononcé d’un verdict, est présumé innocent.
Lors de la réunion des jurés de la session d’assises le 26 avril, ceux-ci ont été appelés à «faire abstraction» de tout ce qu’ils ont pu entendre à l’extérieur de la salle d’audience. Une gageure.