«TU PENSES toujours que je suis psychotique ? – Oui, bien sûr (…). On a tous en nous quelque chose de monstrueux… » Voici un film fou qui resurgit des ténèbres. Un film follement sensuel et cérébral à la fois, mettant en scène un couple envoûtant de buveurs de sang en plein cérémonial mystique, avec des dialogues littéraires fleurant l’étrange…
Il a été sélectionné à la Semaine de la critique, à Cannes, en 1973, et vanté à l’époque par Joséphine Baker en personne, mais il n’est même pas sorti en France, après avoir été massacré par la critique aux Etats-Unis, où est ensuite sortie une version mutilée à destination des drive-in ! Surfant sur la vague de la Blaxploitation, les producteurs avaient commandé « un film de vampires noirs » à Bill Gunn (1934-1989), qui, se réclamant de Bergman, en a profité pour faire un film plus esthétique qu’horrifique, mettant en abyme la condition des Noirs américains et détournant les clichés.
D’un côté, un très riche et distingué anthropologue (Duane Jones), roulant en Rolls, hanté par une civilisation africaine disparue, qui prend le « buvez, c’est mon sang » de l’Evangile à la lettre. De l’autre, n’arrivant qu’à mi-film, la somptueuse veuve de son assistant suicidaire, Ganja Meda (Marlene Clark), en qui il trouve sa divine moitié. Aux deux bouts du film, des séquences d’offices gospel allant jusqu’à la transe, dont le pasteur, plus vrai que nature, est joué par Sam Waymon, qui n’était autre que le propre frère de Nina Simone ! Ce film underground a fasciné Spike Lee au point qu’il en a réalisé un remake en 2014. Voilà donc une « Ganja » tombée du ciel et des plus planantes !